Conte de la Lune et du Soleil

A vous qui, comme moi, ne parvenez pas à trouver le sommeil, je vais conter une histoire. L'histoire du Soleil et de la Lune.

Fragments de Lumière, le peuple d'Ossé

En un temps oublié, il y avait un archipel d'îles perdues au milieu de l'océan, les Osséides. Ces îles et ses habitants étaient chéris par le Dieu de la mer Ossé. Un jour ancien, Ossé avait posé ses doigts bleus sur le peuple de ces îles et il leur avait laissé sa marque sur la peau, leur octroyant le pouvoir de vivre autant sur terre que dans l'eau. Depuis ce jour, les Osséans vivent heureux dans leurs îles et leurs flots bleus, à l'abri des dangers de l'extérieur.

Belle histoire, belle histoire,
Fragments de lumière qui dansent sur l'eau
Noire

Qui sont les Osséans? Sont-ils elfes, nains, humains ou hobits? Ils sont tout cela. Autrefois ces peuples vivaient séparés, mais ils sont devenus un en devenant le peuple d'Ossé. Regardez ce beau mélange, regardez-les vivre en paix, peu soucieux de leur différences. Des races anciennes, seuls existent encore les Anciens Elfes à la vie éternelle. Depuis le début, ils n'ont pas changé et vivent entre eux sur l'île de Lohrin, couverte d'une verte foret. Sur les autres îles les arbres sont devenus rares à l'époque où se passe cette histoire. A la place ont poussé des colonnes, des étais et des plateformes, soutenant des maisons innombrables, entassées les unes sur les autres jusqu'à former une montagne. Au sommet de cette montagne vivent les Nobles, à sa base les plus miséreux, et toutes ses entrailles fourmillent de galerie et d'êtres vivants.

Belle histoire, belle histoire,
Fragments de lumière qui dansent sur l'eau
Noire

Sur l'île d'Algos, plus on est bas, plus on est pauvre, mais aussi, plus on est près de la mer. Au bord de l'eau, sous le quartier des Artisans, le Quartier des Ports vibre d'une vie animée. Poissons, algues et crustacés offerts en abondance par la mer passent dans les mains des pêcheurs avant d'être distribués largement dans toute l'île. Nul n'a jamais souffert de la faim dans cette ville, il y a largement de quoi nourrir tout le monde. Ce qui manque, c'est la place.

Quelques gamins courent le long du quai , plongent dans l'eau sombre et éclaboussent au passage trois autres enfants qui jouaient non loin. La petite fille blonde secoue la tête avec colère. Elle est fine et possède les traits caractéristiques des elfes: oreilles pointues, yeux scintillants d'étoiles. Une solide musculature vient s'accrocher sur son ossature fine et joue sous sa peau brune. Son nom est Pyronée. Les deux autres enfants secouent leur cheveux noirs et coupés courts pour en faire tomber les gouttelettes d'eau. Il y a là un garçon et une fille, des jumeaux un peu plus jeune que Pyronée. Jumeaux presque parfait, mais il est elfe, elle est humaine. Bien que leurs yeux aient la même couleur bleue sombre, les étoiles brillent en nombre dans ceux de Tial, et peu brillent dans ceux de Yuuki. Il est elfe éternel aux oreilles pointues, elle est humaine éphémère aux oreilles rondes, mais ils sont frères et sœur, inséparables.

La petite Yuuki retient Pyronée qui voudrait se jeter dans l'eau à la poursuite des gamins farceurs leur donner une leçon. Elle secoue la tête de droite et de gauche avec un regard suppliant.
Pyronée: "Yuuki, si tu les laisses t'embêter sans réagir, il vont continuer."
Tial: "Il faut qu'on rentre, Maman va faire le dîner."

Ramassant leurs cailloux brillants, les trois enfants remontent dans les couloirs de l'Assemblage. Ils ne remontent pas bien haut, jusqu'à une petite ruelle en bordure. Là deux toute petites demeures adjacentes, au milieu d'autres semblables. Pyronée entre dans celle de gauche, Yuuki et Tial dans celle de droite; ils sont voisins. Comme toutes les habitations de cette ruelle, il n'y a que deux pièces chez les Mau: une pièce principale où on mange, fait la cuisine, et une tout petite chambre avec un lit à étage d'enfants. Les parents dorment dans la pièce centrale.

Après avoir dîné et fait leurs devoirs, Yuuki et Tial vont se coucher. Avant de dormir, Yuuki se penche par la petite fenêtre, et fait un signe de main vers la gauche. Pyronée penchée à sa fenêtre lui répond de même. Puis les trois enfants s'endorment

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Fragments de lumière qui dansent sur l'eau
Noire


Ecume, les enfants des Ports

Les jumeaux Mau vont en classe depuis le début de l'année. Pyronée est déjà dans la classe au-dessus, mais c'est toujours avec elle qu'ils jouent à la récréation. La cour de l'école s'ouvre sur la place principale, mais les professeurs veillent à ce que les Enfants sans Noms, ces vagabonds sans parents, ne s'approchent pas de leurs élèves. Aujourd'hui pourtant, une petite fille rousse n'a pas été chassée et elle regarde avec envie de l'autre coté de la barrière les écoliers qui jouent entre eux. Yuuki, Tial et Pyronée la remarquent et s'approchent en la dévisageant avec curiosité. Elle se sauve soudain et rejoint d'autres fillettes qui disparaissent vite dans un couloir, elles craignent de se faire attraper par la Garde.

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Ecume qui flotte sur l'eau
Noire

L'après-midi, le trio se sépare pour que chacun aille à son activité. Yuuki à l'école de danse, Tial à la classe de musique et Pyronée au Dojo. Suivant avec attention les notes du piano, Yuuki plie les bras et bats des jambes en ensemble avec les autres petites ballerines. A la fin du cours, la professeur la retient un peu pour lui donner des conseils. La petite Yuuki est loin d'avoir le charme aérien des danseuses de sang elfique, mais elle n'est pas sans grâce. Quand elle sort de l'école, toute les autres petites filles ont déserté la place. Yuuki hésite un peu, puis prend une petite ruelle à droite pour aller au dojo. Elle veut rentrer avec Pyronée. Mais dans cette petite ruelle, quelques garçons plus âgé traînent, désoeuvrés. Voyant cette jolie petite fille au visage blanc, ils y trouvent occasion à s'amuser. Nonchalamment, ils encerclent la ballerine. Elle les regarde de ses grands yeux, silencieuse.
un garçon: "Hé, vise moi un peu cette petite!"
un garçon: "Elle a le visage comme la lune, et l'air aussi bête!"

Ils s'esclaffent, Yuuki reste silencieuse et serre bien contre elle son petit sac.
un garçon: "Oh, mais c'est quoi ça?"

Le plus grand, le meneur, arrache le sac des mains de Yuuki et le tient hors de sa portée, s'amusant de ses tentatives pour le reprendre.
le meneur: "Tu le veux, hein? Hop!"

Il le lance à un autre garçon, mais quand Yuuki se précipite vers lui, il lance le sac à quelqu'un d'autre. Yuuki a maintenant les larmes aux yeux. Le garçon derrière elle lui pince les fesses et elle sursaute avec un petit cri.
le garçon: "elle est marrante, la fille de Lune! Allez, si tu veux ton sac, tu dois te mettre à genoux et dire s'il te plait."

Mais Yuuki reste debout en silence, se tordant les mains de peur. Alors qu'il s'amuse à jeter le sac en l'air, le meneur sent soudain ses jambes se dérober sous lui et il s'écroule. Juste derrière, Pyronée brandit son bâton d'entraînement.
Pyronée: "Je vous interdis d'embêter Yuuki! vous allez voir!!"

Elle frappe un grand coup sur le meneur qui tente de se relever avant de foncer sur un des plus grands de la bande, lui assener un coup de bâton dans le ventre. Elle est folle de rage. Yuuki pétrifiée de peur la voit mettre en déroute la bande de garçons, furie blonde plus petite qu'eux. Dans leur fuite, ils crient : ""Tu vas voir, sale fille à la Peau brûlée!!"

Sans plus se soucier d'eux, l'elfe blonde attrape Yuuki par les épaules.
Pyronée: "Tu n'as rien, tu n'es pas blessée?"
Yuuki répond d'une toute petite vois: "N.. Non. j'ai eu ... très, très peur."
La voyant prête à pleurer, Pyronée la réconforte: "Ne t'inquiètes pas, je ne les laisserai plus jamais faire. Je te protégerais toujours, Yuuki, d'accord? Je ne laisserai personne t'approcher."

La petite tête aux cheveux noirs acquiesce. La petite main blanche vient se nicher dans la main noire de Pyronée.
Yuuki: "On rentre?"
Pyronée: "D'accord."

Belle histoire, belle histoire
Ecume qui flotte sur l'eau
Noire

Quelques jours plus tard, en sortant de l'école. Tial, Yuuki et Pyronée revoient la petite fille rousse, dissimulée derrière un étal, qui leur fait signe. Ils s'avancent pour la rejoindre. C'est sans erreur une petite hobbits, aux pieds velus et aux oreilles en pointes. Sans se présenter, elle leur annonce brusquement: "Faites attention, les Craks du Port veulent vous tendre un piège."
Pyronée: "Les Craks du Ports?"
la rousse: "Les garçons, l'autre jour, dans la ruelle. Ils sont mauvais."
Sans leur laisser le temps de répondre davantage, elle se sauve en courant.
Tial: "Les garçons qui ont embêté Yuuki et que tu as chassé, Pyronée?"
Pyronée: "Oui. Mon papa est à la Garde. Il m'a dit de faire attention, car les enfants sans Noms sont souvent en bande. Mais je n'ai pas peur d'eux."

Yuuki regarde Pyronée en silence. Si Pyronée n'a pas peur, alors elle non plus. Malgré tout, elles évitent de se séparer et de prendre les ruelles désertes, surtout après la tombée de la nuit. Les Enfants sans Noms vivent souvent la nuit, pour ne pas se faire prendre par les gardes.

C'est au bord de l'eau qu'a lieu l'attaque. Alors que Yuuki et Pyronée sont descendues sur la jetée pour jouer, deux grands garçons jaillissent de derrière un panier de poissons et les poussent violement à l'eau. Au contact de la mer, les deux fillette sont devenus sirènes automatiquement et ils n'ont pas à craindre la noyade. Par contre, c'est beaucoup plus difficile de se battre. Venant de plus loin, la bande des Craks se ruent sur les petites filles qui plongent dans les profondeurs pour leurs échapper, n'ayant d'autre chemin de fuite. Mais de là aussi, des garçons apparaissent pour leur barrer la route. Encerclées, Elles ne savent plus où aller, et Pyronée sait qu'on ne peut pas frapper efficacement dans l'eau. Tant pis pour eux.

Alors que le meneur fait signe à ses gars de les saisir, il se fige en voyant briller dans la main de Pyronée un éclat argenté. La fillette a sorti de son sac deux dagues étincellantes. Elle est armée. c'est du serieux. De son regard farouche, elle fixe le meneur de la bande et avance vers lui, Yuuki dans son sillage. Les garçons de la bande n'osent plus avancer, eux n'ont pas d'armes. Un chef ne doit pas faiblir, jamais, surtout pas devant ses hommes. Alors le meneur soutient le regard de la fillette et continue de lui bloquer le passage. S'il se pousse pour la laisser passer, il perdra son autorité. Allez, c'est une gamine, elle n'osera pas s'en servir.


C'est sous-estimer Pyronée. D'un brusque coup de queue, elle fonce sur lui et lui entaille profondement le bras, levé par reflexes. Le sang rouge se répand dans l'eau. Entrainant Yuuki, l'elfe blonde en profite pour contourner le garçon et gagner le large. Mais derrière elle, les Craks encore plus furieux sont partis chercher des gaffes et se lancent à leur poursuite. Soudain, Yuuki tire la main de Pyronée et lui montre une silhouette qui leur fait des signes un peu plus loin, sous un bateau. C'est la petite rousse qui les avait prévenues. Elle leur indique du doigt la surface. Les deux filles remontent vers le bateau le plus vite qu'elles peuvent, talonnée par les Craks. Les silhouettes qui se penchent au-dessus d'eux les faits s'arreter net. La Garde!!

Les Gardes plongent, équipés de leurs harpons et de leurs filets, passant à coté de Yuuki, Pyronée et la petite rousse sans les inquiéter, chargeant les Craks qui se dispersent. Les bras solides de Ken, le père de Pyronée soulève les fillettes les unes après les autres et les mets à l'abri dans l'embarcation de la Garde. Tial est assis là et il serre sa sœur Yuuki contre lui. Ken soulève sa fille en l'air avec fierté.

Tial: "Fauve m'a dit qu'ils vous avaient attaqués et où vous étiez et j'ai prévenu la Garde."
Yuuki: "Fauve?"
Tial: "La petite fille rousse."
Pyronée: "D'ailleurs, où est-elle? Elle n'est pas remontée avec nous..."

les trois enfants se penchent par dessus le bastingage. Ils distinguent vaguement en bas les Gardes qui capturent des gamins, mais est-elle parmi eux?

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Ecume qui flotte sur l'eau
Noire

Ken a ramené les trois enfants dans leur ruelle, et Rue, la mère de Tial et Yuuki, leur prépare un gros gouter pour les réconforter. Tous les trois dans la chambre de Yuuki, ils mordent dans les biscuit chauds sortis du four avec avidité. Assise près de la fenêtre, Yuuki voit plus bas, au milieu de l'enchevetrement de piliers et de cordes qui soutiennent cette partie de la structure, un petit amas de boucle rousse. Tirant son frère par la manche, elle lui montre du doigt.
Tial: "Fauve!"

Le petit paquet roux relève la tête, oui, c'est bien la petite fille qui les a déjà aidé par deux fois. Voyant les deux jumeaux lui faire signe, elle escalade le pilier le plus proche et vient se mettre à leur hauteur.
Tial:"Tu veux du gateau?"
Les yeux brillant, Fauve empoigne à pleine mains un tas de biscuit et les avale goulument.
Tial: "Merci beaucoup pour ton aide, tu as sauvé ma soeur et Pyronée!"
Fauve: "Oh c'est rien, c'est plutot nous qui vous remercions. Grâce à vous, les Craks ont presque tous été capturés par la Garde. On est enfin débarassés d'eux, ils étaient vraiment terrible."
Pyronée: "C'est qui, "nous"?"
Fauve: "Les filles aux pieds nus, c'est ma bande. On est que des filles, parce que les garçons n'arrêtent pas de nous embêter. On s'est mise ensemble pour pouvoir se défendre contre eux. On est encore que des petites, mais des grandes nous ont dit que plus tard, ça serait encore plus terrible. Il y a plein de grandes qui se sont fait attaquer par les garçons et ils leur ont fait des choses horribles! Et il y en a même qui ont été emmené sur l'île de Métal, et vendue! Alors on essaye de se regrouper pour être plus forte."
Tial: "C'est horrible!"
Yuuki se sert un peu plus contre Pyronée, ça lui fait peur.
Pyronée: "Ne t'inquiètes pas, Yuuki, tant que je serais là, personne ne te feras du mal."
Fauve: "Dis, Fille à la peau brûlée, la fille de Lune est vraiment ta Houri?"
Pyronée: "La fille de Lune, c'est Yuuki? Et c'est quoi une Houri?"
Fauve: "Eh? Vous savez pas? C'est quand quelqu'un fais le serment de protéger toujours une personne. Mais en échange, celui qui est protégé lui appartient complètement. Personne d'autre n'a le droit de le toucher."
Tial: "C'est une coutume des Enfants sans Noms, alors. On fait pas ça à l'école."
Pyronée: "Dis, Yuuki, tu veux être ma Houri? Je promet que je te protégerais de tous les dangers."
Yuuki: "Oui, je promet que je serais toujours à toi, Pyronée."
Fauve: "Waah, vous êtes des vraies filles des Ports, comme nous!"
Yuuki: "Et Tial aussi. C'est un garçon des Ports. Il n'est pas comme les méchants qui vous embêtent. C'est la moitié de moi, on ne peut pas être séparé."
Fauve: "mmm, d'habitude, on n'accepte pas les garçons... mais comme il est gentil, je vais demander aux autres filles si elles sont d'accord. En plus, il fait une jolie musique. Je reviendrais vous voir plus tard!"

L'agile petite fille disparait rapidement dans les couloirs, emportant avec elle le reste des biscuits, pendant que les trois enfants regardent par la fenêtre le monde mystérieux des Sans Noms dans lequel ils viennent d'entrer.

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Ecume qui flotte sur l'eau
Noire

Pluie, vers une déchirure

Le soir à la fin de son cours de danse, Yuuki a rejoint son frère Tial à l'école de Musique. Ils veulent travailler ensemble pour le spectacle de la fête d'Ossée. Les sons aigus de la flûte de Tial résonnent dans la petite salle de classe vide, Yuuki lève les bras, les baisse puis les sépare, trois petits pas vers la gauche, elle tourne. Elle danse, la petite danse des étoiles, répète ses pas avec applications. Elle voit, derrière la fenêtre dans le dos de son frère, un visage mutin qui la regarde, mais elle ne s'arrête pas de danser. Quand elle a finit, ce sont trois visages qui se pressent de l'autre coté de la vitre, regardant avec admiration la petite ballerine. Elles aussi, elles aimeraient bien danser, ce sont des petites filles ordinaires. Mais quand on n'a pas de Noms, on ne peut pas prendre des leçons, on ne peut que regarder de loin.


Tial vient leur ouvrir la fenêtre, il a reconnu Fauve au milieu des fillettes. C'est la seule qui ne recule pas, les autres sont intimidées.
Fauve: "C'était super beau!!! J'aime beaucoup ta musique! Et Yuuki danse très bien aussi!"
Tial: "Bonjour Fauve. Ce sont tes amies?"
Les fillettes se regroupent derrière la petite hobits, qui fait pourtant une tête de moins qu'elles.
Fauve: "Oui, on voudrait vous parler. Pyronée est là?"
Yuuki: "Elle est au dojo, je peux aller la chercher..."

Accompagnée de Tial et des Filles aux Pieds Nus, Yuuki se dirige vers le Dojo. Arrivé à proximité, les Sans-Noms font signe qu'elles ne peuvent pas aller plus loin. C'est trop dangererux, elles pourraient se faire capturer.
Tial: "Passez par l'arrière, on vous rejoint."

Les jumeaux entrent dans le Dojo, saluant au passage des Gardes qui s'entrainent, et suivent le couloir jusqu'à la cour arrière, ou Pyronée s'entraine à l'épée. Quand elle voit ses deux amis, la fine elfe blonde pose son épée et court les rejoindre. Ils sortent de la cour par la petite porte, et arrivent dans la ruelle obscure, où les fillettes sans Noms les attendent.
Pyronée: "Vous voulez nous voir?"
Fauve: "Oui, on a beaucoup parlé avec les autres, et on voudrait vous demander de venir tous les trois dans notre bande. Et on aimerait bien... que tu nous apprennes à nous battre comme toi, Peau Brulée. On veut arriver à se défendre par nous même."

Tous les regards se tournent vers Pyronée maintenant, celui de Yuuki et Tial aussi. C'est d'elle que dépendra la décision finale, uniquement d'elle. Si elle ne veut pas entrer dans la bande, les jumeaux n'y entreront pas. Elle n'a pas besoin de réflechir longtemps pour savoir ce qu'elle veut faire.
Pyronée: "C'est d'accord. Nous allons devenir des vôtre et je vous apprendrai à vous battre."
Toutes contentes, les petites filles battent des mains et trépignent.
Fauve: "Bienvenue parmi nous! Venez, on va vous présenter tout le monde."
Maintenant, Pyronée, Yuuki est Tial font officieusement partie des Filles aux Pieds Nus.

Les trois nouvelles recrues suivent Fauve dans des ruelles sombres qu'ils ne connaissent pas, ils vont rencontrer leur nouvelle bande. Yuuki tient la main de Pyronée pour se rassurer, et marche en silence, pensive. Puis elle tire la main de son amie pour attirer son attention.
Yuuki: "Dis, Pyronée... moi aussi, je vais apprendre à me battre. Je vais aller au Dojo avec toi."
Pyronée: "Ce n'est pas la peine, Yuuki. Tu es ma Houri, je suis ta Kerne. C'est à moi de te protéger."
Yuuki: "Mais je voudrais pouvoir t'aider un peu toi aussi. Quand il y a beaucoup de méchants qui nous entourent, il faut que je puisse être utile. Je vais apprendre, moi aussi."

Les Filles aux Pieds Nus ne veulent plus se résigner, ne veulent plus subir la violence sans se plaindre. Elles ont choisi de prendre en main les rènes de leurs vie, et d'aquerir la force nécessaire pour suivre leur propre chemin.

Belle histoire, belle histoire,
Pluie qui brouille les eaux
Noires

Sur l'île d'Algos, les maisons s'empilent les unes sur les autres, les gens s'entassent les uns sur les autres. Trop de gens, trop de gens, la place est limitée sur la Terre ferme, illimitée dans les océans. Mais le peuple d'Ossée n'est pas un peuple de poissons, ils restent des créatures terrestre, ne vivant bien que sur la Terre. Seuls les bannis, seuls les prisonniners vivent tout le temps dans les fonds marins. Dans le silence, dans l'obscurité, dans le froid. Même les enfants Sans noms préfèrent vivre à l'air libre quitte à risquer de se faire capturer par la garde, plutôt que de vivre dans les profondeurs de l'océan. La même situation se retrouve dans toutes les îles, à une exception près: Lohrin, l'île des Anciens Elfes, qui a un statut particulier. Mais dans les autres îles surpeuplées, il a fallut imposer des règles sévères.<

Un seul enfant par famille, pas plus. Les seules exceptions tolérées sont les jumeaux, comme Tial et Yuuki. Et pour les familles qui par malheur ont un deuxième enfant, peu d'options sont possible: l'exil des parents, la mort de l'enfant ou... son abandon dans le plus grand secret. Dans ce cas, s'il survit, il viendra grossir le nombres des enfants Sans Noms, qui errent dans les couloirs sombres et hantent les lieux oublié par la Garde.

Tout le monde sait quel terrible sort attend ceux qui effreignent la loi... alors pourquoi? Pourquoi? Pourquoi la famille Takau attend-t-elle un nouvel enfant? Pourquoi le ventre de Visia Takau, la mère de Pyronée, est-il de plus en plus gros? N'avaient-ils pas assez de leur fille? Les autres familles du voisinages discutent à couvert. Quelle folie! Quelle inconscience! Seuls leurs voisins proches, les Mau, continuent à les soutenir. Et c'est à Rue uniquement que Visia a confié son secret. Elle a eut un songe. Un songe qui lui demandait de donner la vie à un nouvel enfant. Et elle a obéit.

Comme le terme de la grossesse est de plus en plus proches, les parents Takau prennent leur dispositions pour l'avenir. Ils ont déjà fait leur choix, cet enfant vivra. Mais ce n'est pas le choix de Pyronée. Elle proteste en silence, elle ne veut pas perdre ses parents. Tout son univers est en train de s'éffondrer, la peur et la colère la dévorent, mais elle ne peut pas crier sa douleur. Elle n'y arrive pas. Elle se tait. A l'école, les autres enfants se moquent d'elle, elle se bat de plus en plus, s'isole de sa classe. Seuls Yuuki et Tial restent auprès d'elle... ainsi que les Filles au Pieds Nus. Le malheur qui frappe sa famille, elles le connaissent, c'est pour ça qu'elles sont des filles aux pieds nus. Pleines d'admiration pour ce père et cette mère qui choisissent de se sacrifier pour que leur enfant ait un nom, elles ont fait serment de veiller sur ce petit à naitre.

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Pluie qui brouille les eaux
Noires

Le silence est tombé sur la petite ruelle. Dans la chambre des jumeaux, Yuuki se serre contre Pyronée, assise recroquevillée sur le lit, toujours silencieuse. Yuuki sent la fillette blonde trembler à coté d'elle. En silence, elle aussi, elle essaye de la réconforter sans trop savoir quoi faire. Dans l'appartement voisin, le bébé est en train de naître. Un vagissement retentit, audible même à travers les murs. Pyronée tressaille et se réfugie dans les bras de Yuuki. Quand Rue vient la chercher, elle refuse de bouger, secouant la tête avec véhémence. Il faut que Yuuki la prenne par la main et l'emmène avec elle pour que Pyronée accepte d'aller voir ses parents, et l'enfant.

La main brune serre les doigt blancs de Yuuki avec force tandis que les deux fillettes entrent dans la chambre des Takau. Visia est allongée, souriante, détendue, tenant sur son ventre un tout petit bébé. Sa petite fille. Réticente, Pyronée s'approche mais elle refuse de prendre la petite dans ses bras.
Visia: "Ma chérie, regarde, c'est ta petite soeur. Elle s'appelle Dido."

Pyronée secoue la tête, toujours en silence. Prenant soin de rester à distance du bébé, elle se blottit contre sa mère, cachant sa tête contre ses épaules. Elle n'a toujours pas lâché la main de Yuuki. Un secrétaire du Registre vient enregistrer la naissance et le nom de Dido, ainsi que le renoncement de ses parents à leur droit de vivre en surface. Dans une semaine, ils devront partir pour les grands fonds et l'Océan des bannis.

La semaine de répit s'achève. Pyronée l'a passé enfermée chez elle, refusant de sortir, de s'éloigner de ses parents. Ce matin, leurs affaires sont réglés, ils attendent courageusement l'arrivée des Soldats, accompagné de toute la famille Mau. C'est à eux qu'ont été confiées Pyronée et Dido. Les soldats arrivent dans le lourd silence, et les parents Takau se lèvent pour les suivre jusqu'à la jetée, suivis par les jumeaux encadrant Pyronée, et les parents Mau portant Dido. Voyant les remous de l'océan, Pyronée se précipite et s'aggrippe à ses parents. Si elle n'avait pas les dents aussi serrées, elle crierait: Non, non! Ne partez pas!

Son père vient se mettre à sa hauteur et pose ses grandes mains sur les épaules brunes.
Ken: "Pyronée, écoute bien. Tu vas devoir être une grande fille courageuse. Papa et Maman te confient Dido. Ils comptent sur toi pour bien t'occupper de ta petite soeur."

La petite regarde son père, ce grand héros de la garde. Elle retient ses larmes et hochent la tête, oui, ses parents pourront compter sur elle. Une dernière fois, ils l'embrassent avec force. Puis ils s'enfoncent dans l'eau salée, entourés par les gardes. Pyronée voient les reflets argentés de leurs queues s'amenuiser et disparaitre peu à peu. Ils ne remonteront plus jamais à la surface. Un sort fixera définitivement leur forme de sirènes et ils n'auront plus jamais le droit de passer de l'autre coté de la barrière des algues rouges. Debout au bord de la jeté, Pyronée ne dit rien et cache sa tristesse. Pourquoi, pourquoi doivent-ils partir? Ce n'est pas juste! Ce n'est pas juste....

La douce Rue entoure de ses bras la petite fille et ses deux enfants. Elle veillera sur eux.

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Pluie qui brouille les eaux
Noires

Soleil, sa fille

Depuis le bannissement de leurs parents, Dido et Pyronée vivent maintenant avec la famille Mau. Mais la gentillesse de ses parents adoptifs n'arrive pas à apaiser la tristesse, la colère et la révolte de l'année des Takau. De plus en plus, elle manque l'école, elle disparait la nuit pour rejoindre les filles aux Pieds Nus. Elle a décidé de se consacrer au monde des enfants sans Noms, comme elle victimes de la loi de restriction des naissances. Maintenant, elle connait le moindre recoin, la moindre passerelle des profondeurs de l'echafaudage. Sa révolte ne cesse de grandir. Pourquoi devons-nous vivre dans ces conditions? Pourquoi n'avons-nous pas le droit à l'existence? Alors que dans les hauteurs, il y a des gens qui ont des jardins et de grandes maisons.... Alors que sur l'île de Lohrin, il y a toute la place pour loger les enfants abandonnés... Pourquoi les Anciens Elfes, pourquoi les Nobles auraient-ils le droit de profiter de tout l'espace sans partager? Pourquoi n'existe-t-il pas d'autres terres pour accueillir le peuple d'Ossée?

Le monde des enfants sans Noms commencent à bien connaitre la terrible Pyronée et ses filles aux Pieds Nus. Elles sont de plus en plus nombreuses à rejoindre la bande, à apprendre à se battre, et à faire regner leur loi sur ce monde anarchique. Il n'y a pas un enfant qui ignore le nom de "Peau Brulée" et de sa Houri la "Fille de la Lune". Autant ils craignent la première, autant ils adulent la deuxième comme un trésor de grand prix. La calme et douce Yuuki, la petite fille à la peau blanche qui danse dans la nuit. Quand Tial et Fauve jouent de leurs instruments et chantent, elle vient danser dans les places secrètes, pour réconforter et faire rêver ces enfants qui n'ont pas droit à l'enfance. C'est la lumière de la Lune qui éclaire leurs nuits, pâle et fragile.

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Soleil qui illumine les eaux
Noires

Alors que Pyronée a la peau comme brûlée et les cheveux d'un or eclatant, la petite Dido en grandissant devient de plus en plus pale et délicate, ses cheveux d'un blond presque blanc. C'est une petite elfe d'une grande délicatesse, tellement elfe qu'on pourrait la prendre pour une des anciens elfes. Bien qu'encore toute petite, elle tourne sa tête avec grâce de gauche et de droite, semblant écouter quelques invisibles voix. On ne sait pas ce qu'elle entend, mais elle écoute avec attention. Parmi les autres mères, certaines murmurent qu'elle pourrait entendre les Dieux. C'est une enfant étrange.

Dans la petite chambre où vivent les quatres enfants, Dido se tourne vers Yuuki avec fierté pour lui montrer son dessin. Dido s'entend très bien avec sa seule soeur humaine, et avec son frère elfe. Mais la plus grande de ses soeurs, cette grande fille toute brune, ne l'accepte pas vraiment. Dido le sent. Elle a du mal à se sentir à l'aise avec elle, et Pyronée ne fait aucun effort pour l'aider.
Dido:" Grande soeur Yuuki, regarde!"
Yuuki sourit doucement en regardant le dessin naif tendu par la benjamine.
Dido: "Là, c'est maman, et là, c'est papa. Là, c'est Pyronée, puis grande soeur Yuuki, puis grand frère Tial, et là c'est Dido."

Ce soir-là, Pyronée est plus enervée que d'habitude, et les paroles innocentes de la petite ne font qu'attiser sa rancoeur. Elle réplique d'un ton sec: "Ce ne sont pas tes parents, idiote! Je suis ta seule vraie soeur. Et à cause de toi, Papa et Maman ont été envoyés au fond de l'océan et ne reviendront jamais!"

Tout d'abord, Dido reste muette, sans comprendre. Inquiète, Yuuki se lève et essaye de calmer Pyronée. A la demande des Takau, les Maus avaient cachés à la petite Dido qu'ils n'étaient pas ses parents, ni ceux de Pyronée. Yuuki regarde l'elfe à la peau brune d'un air suppliant, mais Pyronée a gardé trop longtemps sa colère dans son coeur, elle a accumulé trop de rancune envers sa petite soeur.
Dido se met à crier: "C'est pas vrai!"
Ignorant la prière muette de Yuuki, Pyronée répond: "Si, c'est vrai. Tu n'es pas une Mau! Tu es une Takau! Tu es responsable de la disparition de nos vrais parents!"

Dido regarde fixement Pyronée, la bouche grande ouverte de stupeur. Pyronée ne ment jamais, elle le sait. Alors ce qu'elle dit est la vérité. Dido a fait du mal à son papa et sa maman. Papa et Maman ne sont pas ses parents... elle n'a pas de vrai parents. Les yeux bleu pâles de la fillette se remplissent de larmes. Avant que les plus grands ne puissent l'attraper, elle passe la porte en courant et se faufile dans le petit passage descendant vers le Ports. Tial se rue immédiatement à sa poursuite, mais dans la foule qui monte et descend à cette heure, il perd rapidement de vue la petite fille.

Dans le petit appartement, Pyronée rejette d'un geste rageur la main apaisante de Yuuki sur son bras. Elle n'est pas encore apaisée.
Yuuki: "Ce n'est pas la faute de Dido, tu sais..."
Pyronée: "Si! C'est à cause d'elle!"
Yuuki: "Elle n'a jamais demandé à naitre. Et elle aussi, elle a perdu ses parents. Elle aussi, elle est victime. "

Pyronée tourne le dos à la calme petite fille et part en claquant la porte. Restée seule, Yuuki s'assoit à la table et regarde le dessin naïf de Dido. Une famille. Tial revient rapidement, bredouille. Tous les deux se sentent un peu désémparés et malheureux. Ils s'assoient l'un à coté de l'autre pour se rassurer et atteindre que les soeurs Takau reviennent. Leur mère Rue les trouve comme ça à son retour. A sa grande surprise, les jumeaus lui sautent dans les bras et se mettent à pleurer. Après avoir calmé ses deux enfants, Rue comprend que Dido s'est sauvé après une dispute avec sa soeur ainée. A son tour, elle s'inquiète. Dido est trop petite pour pouvoir sortir seule, elle risquerait de se perdre. Il faut la retrouver au plus vite.

Rue: "Yuuki, tu va rester ici pour accueillir Dido si elle rentre et prévenir Papa. Tial, tu vas aller à l'école voir si elle n'y serait pas. Elle connait le chemin. Et cherche aussi près des jeux. Je vais d'abord au poste de Garde chercher de l'aide et je vais chercher dans le Port. "

Yuuki a attendu longtemps toute seule, mais Dido n'est pas revenu. Papa est passé, et il est partit à la recherche de la petite lui aussi. Yuuki est restée toute seule, elle pleure d'angoisse dans la lumière orange du soleil couchant qui illumine l'appartement. Rapidement, la nuit tombe et tout s'obscurcit, mais Yuuki n'allume pas la lumière. Elle est trop triste pour bouger. C'est ce moment-là que choisit Pyronée pour rentrer.
Pyronée: "Yuuki, tu es là?"

Un sanglot étouffé lui répond. Pyronée allume la petite lampe sur la table. Elle ne dit rien, elle sait ce qui se passe. Dido a disparu. Elle s'assoit à coté de Yuuki, mal à l'aise. Tial revient lui aussi, sans Dido. Puis Rue, sans Dido. Les Gardes continuent à chercher la petite, mais la nuit compliquent leur tache. Rue fait de son mieux pour réconforter les trois petits silencieux et leur faire un diner, mais son inquiétude imbibe tous ses gestes.

Brusquement, Pyronée se lève et fait mine de partir.
Rue: "Attend, ma chérie, où est-ce que tu va?"
Pyronée: "Chercher Dido."
Rue: "Les Gardes s'en occupent, restes à la maison, la nuit est dangereuse."
Pyronée: "Je vais la chercher. C'est à cause de moi si elle est parti... je vais me faire aider par des amies. "
Rue: "Mais..."
Yuuki: "Je viens avec toi!"
Tial: "Moi aussi!"
Rue: "Je vais vous accompagner..."
Tial: "Non maman, tu peux pas. Là où on va, c'est que pour les enfants."
Yuuki: "Ne t'inquiètes pas, Maman, on va la retrouver."<

Résignée, Rue regarde partir ses trois petits dans l'obscurité. Elle leur fait confiance.

Belle histoire, belle histoire,
Soleil qui illumine les eaux
Noires

Suivant la fille à la peau brune, les deux jumeaux se faufilent dans les petits passages, jusqu'à atteindre le lieu de réunion des Filles aux Pieds Nus. La place est envahie d'une animation inhabituelle, et Fauve se précipite à leur rencontre dès qu'elle les voit.
Fauve: "Pyronée!! Les Chevaliers de Fer réclament un duel!"

Effectivement, un émissaire de la puissante bande des enfants sans Noms régnant sur les étages supérieur, est là, debout au milieu de la place. Voyant arriver celle connue sous le nom de "Peau Brûlée", il salue selon la coutume des bandes et débite son message: "Notre chef Gimfang te défie, chef des filles aux pieds nus, pour la domination des Ports."

Pyronée se campe en silence devant l'envoyé.

Les Filles au pieds nus font régner la loi sur quasiment tous l'étage des Ports, plus quelques étages au-dessus partiellement. Les Ports, l'accès à la mer, zone de fuite et terrain de pêche, c'est la survie pour les enfants sans Noms. S'ils n'ont pas accès à la mer, ils vont rapidement se faire capturer par la Garde, et exiler. Pyronée a compris très vite l'enjeu de l'étage des Ports, et en a progressivement prit le contrôlle avec ses Filles, misant toutes ses actions dessus. Quand les autres bandes s'en sont rendus compte, il était déjà trop tard. Pyronée tenait la place, avec une troupe nombreuse des siens exerçant une surveillance vigilante, soutenues par nombre de pêcheurs et de commerçants de l'étage, heureux d'être protégé contre ces sales vauriens sans noms. Il est vrai que les Filles aux Pieds Nus sont aussi des enfants sans Noms, mais la discipline de fer que fait régner Pyronée dans ses troupe empèche tous débordement. Les Filles aux Pieds Nus sont connues pour bien se tenir. Grâce à ce dispositif, trois ou quatre bandes avaient déjà été démantelée, ou avaient prétés serment d'allégeance à l'elfe brune.

Récement, plusieurs autres bandes des étages supérieurs s'étaient regroupés sous le commandement du Nain Gimfang, et ils avaient commencé la contre-attaque pour le contrôlle des Ports. Ils avaient été repoussés sans ménagement. Ils jouaient maintenant un autre atout: le duel.

Pyronée repond froidement à l'envoyé de Gimfang: "ça ne m'interresse pas. Retourne dans ta bande."
Mais l'émissaire n'en a pas fini: "Gimfang a ta soeur Dido et..."
Mais il n'a pas le temps de finir, les Filles se sont mises à hurler et à le bombarder de projectiles :
"Honte à Gimfang!! "
"Prendre une petite en otage!!"
"Honte sur les chevaliers de fer!! "
"Trahison!"
Pyronée fait taire ses filles d'un geste et saisit l'emissaire au col: "Comment oses-tu? Tu trahi l'honneur des enfants sans Noms en brandissant la menace d'un otage! "

L'envoyé crie pour se faire entendre: "Ce n'est pas un otage! Elle était perdu sur notre terrain, mais elle ne veut pas qu'on la ramène dans votre zone, sinon elle crie. Il faut que tu viennes la chercher. "
Pyronée: "Tu mens."
Envoyé: "Viens voir notre chef Gimfang. Nous te garantissons l'impunité sur notre territoire..."
Pyronée: " Je refuse de venir sur vos terres. Mais... Ecoute bien ce que je propose et transmet ce message à ton chef. Il y a une placette à l'arrière de l'école de danse, ce sera une zone neutre. Je donne rendez-vous aux chevaliers de Fer ici. Je viendrais avec mes Filles. "
Envoyé: "Mais... c'est près de la Garde..."
Pyronée: "Ils sont occupés. Si on reste discret, ils ne remarqueront rien. Comme ça je suis sûre que vous vous tiendrez tranquille. Cours avertir ton chef. Nous l'attendrons là-bas. Nous verrons bien s'il a le courage de venir."

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Soleil qui illumine les eaux
Noires

Les plus braves des Filles aux Pieds Nus ont suivis Pyronée et se sont regroupées derrière elle sur un des coté de la petite place. Elles sont plus silencieuses qu'à l'accoutumée, tendues par la proximité du poste de la Garde. Yuuki s'est assise par terre au pied de Pyronée, comme une Hourie doit le faire.

Les Chevaliers de Fer ne se sont pas défilés. Sortant de l'ombre, la silhouette épaisse de Gimfang apparait à l'autre bout de la place, suivis du reste de sa bande, et de la petite Dido. Gimfang n'est pas un enfant. C'est un adolescent, presque un adulte, un des plus anciens Enfants sans Noms, un des rares de son age qui n'a pas fini dans les prisons de la Garde, malgrè des années à exister illégalement. Il n'est pas grand, c'est un Nain. Mais il est fort, et Pyronée le sait. Elle ne veut pas se battre contre lui.

Voyant sa soeur ainée, la petite Dido recule et vient se cacher derrière une des rares filles des Chevaliers. Elle n'a jamais connu le monde des enfants sans Noms, ses ainés la laissaient à l'abri à la maison quand eux allaient chez les Filles. Elle en a juste entendu parler par les conversations des enfants dans leur chambre, en connait plus ou moins les règles et les usages. Elle sait qui ils sont.

Pyronée s'avance au centre, Gimfang fait de même en faisant signe à Dido de le suivre. Elle obéit, poussée par les plus agés de la bande, et s'avance à contre-coeur, évitant de croiser le regard de sa soeur ainée. Fièrement dressée au milieu de ces enfants, dans la lumière ténue de l'éclairage de nuit, Pyronée parait encore plus effrayante pour la toute petite Elfe blonde.
Gimfang: "Je te ramène ta soeur. Avance, petite, et rentre chez toi. "
Mais Dido secoue la tête: "Je veux pas. Je... Je suis un enfant en trop moi aussi. Je dois rester avec vous."
Pyronée: "Tu n'es pas en trop. Nos parents t'ont laissé leur place sur cette île. Tu n'as pas le droit de la gaspiller et de la jetter. Tu dois vivre avec fierté comme un enfant légal, en souvenir de nos parents. Maintenant, Viens."
Gimfang: "Retourne chez les tiens, enfant chérie par ceux qui t'ont fait naitre. Ils t'ont donné la vie, et le droit de vivre, tu dois leur en être reconnaissante. Vit en pleine lumière pour eux. "

Dido reste immobile, c'est trop de boulversement pour elle à la fois. Ses petits poing frottent ses yeux et elle commence à pleurer. Elle ne sait plus, elle avait envie de partir, de rejoindre les autres enfants comme elle, sans parents, mais en même temps.. elle a peur. Elle veut rentrer à la maison, elle veut revoir Maman Rue et Papa Cens. Elle a une famille, elle les aime. Avec un soupir impatient, devançant Yuuki qui s'avançait, Pyronée prend brusquement Dido dans se bras et la rapporte du coté de la place où s'entasse ses Filles. Elle se rend compte soudain que c'est la première fois qu'elle porte la petite fille. Elle est chaude et douce dans ses bras, légère et fragile, toute fragile, toute tremblante. D'une main hésitante, la grande elfe brune caresse les fins cheveux blonds de sa petite soeur.
Sa petite soeur. A elle.

Elle confie la petite, maintenant rassurée et qui la regarde avec étonnement, à Yuuki et Tial, ses seconds. Puis elle retourne au centre de la place, les négociations ne sont pas terminées, les Chevaliers ne se sont pas déplacés pour rien. Elle leur doit une faveur pour lui avoir ramené sa soeur, elle se doit d'écouter leur requête.
Gimfang: ""Pyronée, chef des Filles aux Pieds Nus, selon les règles des Enfants sans Noms, je te défie. Je mets en jeu mon titre et mon clan. "

Pyronée réflechit en silence quelques minutes.

Pour Gimfang, ce duel n'est qu'un événement normal dans la vie d'un chef de bande. Il faut qu'il affirme sa puissance et celle de son clan. Il faut qu'il ait accès à la mer. Il faut qu'il écrase cette bande de Filles dangereuses, cette Fille dangereuse. Dangereuse car différente. Ce n'est pas un enfant sans Nom, sa survie n'est pas son principal souci. Elle a un objectif en tête. Elle veut quelque chose, il le sent confusément. Quelque chose qui dépasse son imagination, quelque chose de plus grand que l'horizon bouché des étages et de l'assemblage, quelque chose de plus puissant que les enfants misérables qui se groupent et se battent pour rester sur la terre ferme. Elle voit plus loin. Elle voit autre chose que les autres chefs de bande. C'est pour ça qu'elle est dangereuse. Sa main-mise sur les Ports l'a montré, elle peut bouleverser l'équilibre du monde des Illégaux. Elle change les règles, les enjeux. En tant qu'Anciens parmi les Enfants, c'est à Gimfang de remettre à sa place cette redoutable femelle Elfe.
Pyronée: "Gimfang, chef des Chevaliers de Fer, je relève ton défi. Je mets en jeu... mon titre et ma Hourie Yuuki, mais pas mon clan. Acceptes-tu l'enjeu?"

Les enfants rassemblés autour s'agitent et se regarde sans comprendre, sauf Yuuki. Elle regarde Pyronée qui s'est tournée vers elle, et elle aquiesce d'un battement de cil. Yuuki a compris l'enjeu véritable de ce duel, et elle est d'accord pour accompagner Pyronée dans ce risque. Elle a confiance en elle. Elle veut la soutenir pour atteindre son rêve. Aujourd'hui, c'est la jour où tout va se jouer. Si Pyronée perd, elle se retirera du monde des Enfants sans Noms, elle reprendra une vie normale, elle perdra Yuuki et les Filles aux pieds Nus redeviendront une bande ordinaire. Si elle gagne... Si elle gagne, alors le monde des Enfants sans Noms sera à porté de main. Et elle pourra commencer à préparer le second mouvement.

Gimfang prend lui aussi le temps de la réflexion. C'est un Nain posé et refléchi, sans quoi il n'aurait pas réussi à faire des Chevaliers une bande aussi puissante. La Hourie Yuuki, la fille de la Lune, l'intouchable danseuse, la fée des rêves pour tous les petits. Une icone inaccessible et précieuse. L'acquérir donnera aux Chevaliers bien plus de gloire que d'asservir les Filles aux Pieds Nus. De plus, les Filles sans leur chef Pyronée ne seront plus une réelle menace... Oui, Yuuki est un enjeu valable dans ce duel.
Gimfang: "J'accepte. Que le duel prenne place."

Belle histoire, belle histoire,
Soleil qui illumine les eaux
Noires

Gimfang, Nain presque adulte, puissant, solide, expérimenté.
Pyronée, Elfe presque adolescente, grande, forte, vive et entrainée.

Le duel des chefs a commencé. Elle a la technique fruit d'un enseignement et d'un entrainement rigoureux. Il admire la précision de sa lame qui fend l'air et sa détermination. Il a la puissance brute et implacable de sa race et des années passées à défendre sa bande. Elle admire sa force et sa volonté. Mais elle commence à sentir qu'elle ne fait pas le poids. Il a paré ou évité ses attaques, elle n'a pu causer aucune blessure décisive. Par contre, la violence des assauts du Nain ont secouée et fatiguée l'Elfe. Ses muscles sont engourdis, ses membres douloureux, son souffle court. Elle est en désavantage.

Tout autour de la place, les enfants sont crispés, tendus, silencieux. Ils ne perturbent pas le déroulement du duel. Dido regarde avec fascination et admiration cette grande soeur qui lui faisait si peur avant. Elle est si forte. Juste coté d'elle, Yuuki est debout, les mains jointes comme pour prier. Elle regarde le combat de plus en plus désespéré de Pyronée contre cette masse solide de muscle qu'est Gimfang. Mais elle croit en la victoire de son amie. Elle a foi en elle.

Vacillante sur ces jambes, Pyronée ressent comme une lumière la foi de sa Hourie. Oui, Yuuki la soutient, elle le sent au plus profond d'elle. Elle ne peut pas la décevoir, elle doit gagner. Gimfang qui croyait être près de la victoire perçoit ce revirement. En face de lui, le regard de l'Elfe est de plus en plus determiné, de plus en plus brûlant, comme si elle était pleine d'un feu dévorant. Il se met en garde, prêt pour le dernier assaut. Il sera furieux et décisif, il doit être prêt à faire face. Epuisée, mais forte de rage, Pyronée sent la chaleur exploser dans tous ses membres. Dans ses yeux, les flammes ont remplacées les étoiles, dans son esprit, les mots de destruction et de renouveau se sont révélés. Ils sortent de ses lèvres de leur volonté propres tandis qu'elle lève la main vers le ciel.

Le feu qui irradie son coeur prend soudain vie dans sa main, boule de feu ardente et brillante, véritable soleil miniature dans sa peau brune. Des cris de frayeur et de stupeur retentissent tout autour de la place, certains enfants se cachent la tête dans les mains, d'autres s'enfuient dans l'ombre. Yuuki reste debout, fixant la boule de feu et Pyronée de ses yeux clairs, sans peur. Tenant le soleil ardent dans sa paume, Pyronée se prépare à attaquer son adversaires, quand celui-ci jette sa hache à terre. Mettant un genoux à terre, le fier chef des Chevaliers proclame: "Je reconnais ma défaite devant toi, héritière des anciennes magies. Moi, Gimfang, je te donnes mon clan, et je te prête allégeance. Je te servirais avec honneur jusqu'à la mort, fille du soleil."

Sa voix n'est pas celle d'un homme brisé et humilié par la défaite, c'est celle d'un Enfant sans Noms plein de fierté, celle d'un Chevalier qui a trouvé la Reine pour qui il va se battre. Gimfang a comprit. Il est temps de changer, de s'engager dans un nouveau chemin. Le soleil leur montre la voix, il la suivra.

Pyronée lance en l'air la boule de feu, qui se met à flotter au dessus de la scène, l'illuminant comme en plein jour. Se plantant face à Gimfang à genoux, elle lui répond: "Gimfang, chevalier de fer, je fais de toi un enfant aux Pied Nus. Je te choisis comme Second et Soutien. Tu seras le bras fort sur lequel je pourrais toujours compter. Relève toi, homme aux Pieds Nus!"

Sous les acclamations des deux bandes maintenant unies, Gimfang vient prendre place à coté de Pyronée, sous le soleil de feu. Sortant sa flûte Tial improvise un air et Fauve le rejoint avec son tambourin. Alors que tous les enfants dansent et marquent le rythme bruyament de leur mains, Dido se met à chanter, inventant des paroles de sa petite voix cristalline, imposant le silence. Sur la place eclairée par le feu, on n'entends plus maintenant que la chanson et les instruments de musique. Avec respect, les enfants s'ecartent et laissent la place libre devant Pyronée. Yuuki peut maintenant lever les bras, monter sur ses pointes, et danser.

Danser la victoire de Pyronée, danser sa confiance et sa joie. Danser le soleil qui est né, danser la lumière dans la nuit. Elle danse pour Pyronée. Elle danse pour les Enfants sans Noms, qui ne savent pas encore que tout va changer.

Belle histoire, belle histoire,
Soleil qui illumine les eaux
Noires

Tial, Yuuki, Pyronée et Dido sont rentrés à la maison, Gimfang a prit le commandement en l'absence de Pyronée. Dans les allées et les couloirs de l'île, la nouvelle commence à se propager chez les Enfants. La fille du Soleil est apparut, elle va rassembler tous les Enfants sans Noms. Ils sont tous prêt à la suivre.

Lune, vers une séparation

Sur l'île d'Algos, les maisons s'entassent toujours les unes sur les autres, les jardins des Nobles s'étalent au-dessus, et la Garde pourchasse les Enfants sans Noms dans les ruelles et les tunnels. Sauf que les Enfants sans Noms ne sont plus des Enfants. Ils ont grandi et la deuxième génération vient petit à petit grossir leur rang. Ce ne sont plus des bandes errantes et incontrôlables. C'est une seule bande, organisée et puissante, controllée d'une main de fer par la fille du Soleil. Quand un enfant surnuméraire nait dans une famille, ses parents ne l'abandonnent plus, ils le confient aux Filles aux Pieds Nus. Ils savent qu'il sera bien traité, qu'ils pourront le revoir, avoir de ses nouvelles. Alors ils laissent dans les rues des vêtements, des jouets, de la nourriture et des livres, à la disposition de tous les enfants. Ils savent que les ressources seront bien réparties. Même la Garde laisse plus ou moins faire, car Pyronée fait régner l'ordre parmi ses troupes. Oui, ses troupes. Ceux qui ne font pas parti du monde des Enfants ne peuvent pas le deviner. Mais les jeunes sans Noms qui grouillent dans les coins sombres sont tous des soldats, formés, entrainé. Des guerriers.

Car Pyronée est entrée en guerre. En guerre contre le manque de place et l'interdit de vivre, en guerre contre ceux qui ont proclamé criminel ses parents, en guerre contre ceux qui gardent jalousement pour eux l'espace dont d'autres ont besoin pour vivre. En guerre contre les Anciens Elfes et les Nobles.

Son objectif: l'île de Lohrin et les Jardins. L'île des Anciens Elfes est très bien protégée par des courants violents contrôlés par les magiciens elfiques, nul ne peut s'approcher sans autorisation. Mais Pyronée connait ceux qui pourront vaincre le courant: les Grandes Orques, ces terrifiant monstres marins, noirs et blancs, dont la nage puissante est capable de vaincre la force des flots. Assistée de son lieutenant Gimfang, elle est allé à leur recherche, et a commencé à les dompter. Quand tout le banc sera apprivoisé, les Enfants pourront prendre pied sur l'île de Lohrin et s'installer. Quant aux Jardins des Nobles dans les hauteurs des autres îles, les représentants des étages inférieurs et médians se sont alliés pour faire pression sur l'Assemblée, menaçant de couper l'acheminement des vivres et de l'Eau vers le haut. Les négociations sont en cours pour transformer certains jardins en quartiers d'habitations.©

Belle histoire, belle histoire,
Lune qui scintille sur l'eau
Noire

Une grande Elfe à la peau brune regarde les allées et venues entre les échoppes du marché. Tout semble bien se passer. Les Filles de garde sont vigilantes. Elle saute sur un pilier et grimpe lestement dans les étages supérieurs. Suspendue dans le vide, plusieurs dizaine de mètres au-dessus des Ports, elle laisse ses cheveux blonds pendre dans le vent et briller sous les rayons du soleil. Les yeux clos, elle écoute les accords réguliers du piano sortant d'une fenêtre proche. Quand la mélodie s'arrête, elle bondit sur le rebord et entre dans la pièce. Mais Yuuki n'a pas fini. Seule au milieu, elle est encore en train de s'exercer. Concentrée dans le silence, elle courbe les bras, ses pieds bien à plat sur le sol. Puis elle monte sur ses pieds, s'étirant lentement vers le plafond. Elle tourne gracieusement la tête, plonge ses yeux clairs dans ceux de Pyronée et sourit.
Pyronée: "Ne te déranges pas. Je peux t'attendre."


Yuuki aquiesce en silence et continue à répêter inlassablement son mouvement. Elle tend à la perfection, technique et expressive. Humaine, elle n'a pas légereté aérienne des Elfes, mais sa grâce terrestre lui permettent de prétendre au plus grand des honneurs pour une apprentie danseuse: devenir élève des Anciens Elfes. Détenteurs du savoir anciens, maitres centenaires, ils reçoivent sur leur îles les meilleurs apprentis de tous les arts pour les former à l'excellence. La sélection des candidats autorisés à poser le pied sur l'île de Lohrin est extrement sévère, seul un petit nombre de personne sont choisis par les Maitres Elfes chaque année. Et Yuuki a décider de tenter sa chance cette fois-ci.

Yuuki repose gracieusement son pied à terre et se tourne vers Pyronée. Son regard bleu clair croise celui ardent de l'elfe.
Yuuki: "Pyronée... c'est après-demain. Je vais monter dans la Haute-cour présenter ma danse aux Juges Elfes. Si je suis prise..."
Pyronée: "Tu partiras. Tu quittera les Ports pour l'île ancienne. Je sais."
Yuuki: "Pyro... "
Pyronée: "C'est ta décision, et je la soutiens. Va sur l'île ancienne, va montrer à ces vieux elfes confits dans leurs isolement à quel point les gens des autres îles sont vivants. Je te fais confiance pour les éblouir."
Yuuki:"Je ne pourrais pas revenir... pendant plusieurs années. Je deviendrais une élève des Anciens. J'ai peur... d'oublier la vie d'ici."
Pyronée: " Je te fais confiance, Yuuki. Tu ne te perdras pas, tu n'oublieras pas que tu es une Fille des Ports. Tu n'oublieras pas notre combat. Tu ne nous oublieras pas. Nous ne t'oublierons pas non plus. Nous penserons à toi. "
Yuuki: "Merci, Pyronée. J'irais, je donnerai le meilleur de ma danse pour y aller. Je ferais honneur aux Filles aux Pieds Nus. "

Ni l'une ni l'autre n'évoquent la longue séparation. Elles ont foi. Leur lien ne se brisera pas malgré la distance. Elle sont pour l'éternité Kerne et Hourie.

Belle histoire, belle histoire,
Lune qui scintille sur l'eau
Noire

Toute la famille a accompagné Yuuki à l'étage juste sous les quartiers nobles. C'est dans cette grande place qu'auront lieu les auditions. Les juges des Anciens Elfes sont déjà là. Quelques jours auparavant, ils sont arrivés par la mer. Ils ont abordés au Ports puis sont monté sous bonne escorte jusqu'en haut de l'échauffadage. En passant, ils n'ont même pas jetté un regard aux gens qui vivaient en bas, alors que les yeux curieux de tous les enfants des Ports les ont suivis et détaillés avec attention. C'est avec ces gens que leur Yuuki va peut-etre partir.

Yuuki aussi a assisté à l'arrivée des Juge, de loin. Son coeur s'est mis à battre la chamade quand elle a reconnu l'un d'entre eux. Le Grand Maître Daradan. Le plus grand Danseur de tout Ossée, et un des enseignants les plus réputés. Les années précédentes, Yuuki a put assister à la plupart des ballet qu'il a dansé, et elle en garde encore un souvenir emmerveillé. Daradan mérite véritablement son titre de Grand Maître.

Par sécurité, Pyronée a interdit à ses filles de monter et d'aller sur la place. Les Gardes des hauts quartiers seront en masse pour veiller à ce qu'aucun incident ne vienne perturber l'évenement. Ce serait dangereux pour les jeunes clandestines. La foule est déjà dense car les auditions seront publiques. C'est toujours un spectacle très apprécié par les Osséans, qu'ils soient d'origine nobles ou qu'ils viennent des Ports. Les candidats se pressent à l'arrière de la scène, tous vêtue de blanc suivant la tradition. Musiciens, compositeurs, danseurs, ils viennent tous tenter leur chance, éspérant avoir l'honneur d'être admis sur l'Ile Ancienne.

Tial et Pyronée accompagnent Yuuki dans les coulisses pour l'aider à se préparer. Au milieu des tutus froufroutants et constellés de paillettes des autres danseuses, Yuuki tranche par sa sobreté: un simple maillot blanc, et un corsaire blanc orné d'une ceinture brodée, des pointes blanches, et ses cheveux noirs comme la nuit coupés courts et sans entraves. Yuuki n'aurait de toutes façons pas pu s'offrir un tutu de grand luxe comme les jeunes nobles, et la simplicité lui convient mieux. Pourtant, même sans aucun ornement, elle est bien plus belle que la horde de fillettes orgueilleuses et méprisantes qui font mine de l'ignorer.

Le seul luxe de Yuuki, c'est son musicien. C'est Tial. Elle lui a demandé de jouer à la flute la musique sur laquelle elle va danser, plutôt que de confier la partition à l'orchestre ou à un candidat musicien. Et Tial a écrit une musique rien que pour sa soeur, une musique qui lui convient parfaitement. D'autres jeunes filles ont elles aussi leurs musiciens attitrés, employés, amis ou parents, c'est une pratique courante.

A l'exterieur, le concours a déjà commencé par les prestations des musiciens et des chanteurs, tous de grands talents. L'un d'entre eux aura-t-il cet éclat, ce don particulier que cherchent les juges Elfiques? Dans les coulisses, la tension monte , presque palpable. Les tutus froufroutants s'agitent et se froissent, les mains se tordent d'angoisse, les larmes coulent et brouillent le savant maquillage. Mais Yuuki, protégée par la présence ardente et ferme de Pyronée à coté d'elle, résiste à la pression. Paisible comme la Lune de qui elle tient son surnom, elle concentre son energie en attendant son passage. Elle sera une des dernières à passer, car l'ordre a été essentiellement établis sur des critères de richesses et de noblesses. Ce sont les places les plus difficiles, car les juges sont, soit lassé par la médiocrité, soit déjà convaincu par une candidate précédente. Mais c'est aussi le moment où elle peut briller de tous ses feux, effacer par sa simple présence le faible éclat des étoiles couvertes de paillettes.

Belle histoire, belle histoire,
Lune qui scintille sur l'eau
Noire.

"Candidate Yuuki, danse: Reflet de la Lune sur l'eau noire."
Au milieu des ballerines déjà passée et qui papotent, Yuuki se lève et monte sur la scène, suivi de Tial. Ce dernier se place sur le coté, et Yuuki au centre. Après avoir salué les juges, elle se tourne vers le milieu du public, cette place où s'entassent les gens simples et les pauvres des Ports. Alors que dans les tribunes les bavardages continuent, sur le sol de la place, le silence règne. Nombreux ne sont venus que pour la voir danser, elle, la fille de la Lune, la danseuse des Ports.

Et Yuuki dansera pour eux, elle l'a décidé. Elle ne danse pas pour ceux qui l'évalueront, pas même pour maître Daradan, mais pour le public. Elle n'a pas besoin de regarder son frère pour savoir à quel moment il va commencer à jouer. Avec une synchronisation parfaite, la main de Yuuki s'est lévée en même temps que la première note de la flûte.

Danse, Yuuki. Danse comme tu as toujours dansé. Pleine de vie et d'émotions, une présence radieuse maniant une technique qui ne demande qu'à progresser encore et encore. Dans les tribunes, les caquettages se sont tus. La musique a charmé leurs oreilles, les pas ont attirés leurs yeux. Pour les siens, Yuuki donne le meilleur d'elle-même sur la scène. Pour la fierté des enfants des Ports, elle brille devant les Anciens et les Nobles. La Lune qui danse sur l'eau brille de mille éclats. Les juges ont déjà oubliés les autres candidates, vides et sans âme. Celle-là, celle-là a l'eclat, celle-là seule est digne le poser les pieds sur la Terre Sacrée des Anciens Elfes.

Un profond silence tombe sur l'assemblée tandis que résonne la dernière note. Puis un frémissement, et les applaudissements éclatent et crépitent. Yuuki se redresse, mentalement épuisée, vidée, mais heureuse. A son public qui l'a soutenu avec chaleur, elle adresse le plus beau des sourires, avant de le saluer, de saluer les juges, et de retourner dans les coulisses avec Tial.

L'accueil qu'on lui fait est franchement hostiles, les autres candidates la regardent les yeux pleins de colère, de haines et de jalousies. Mais leurs regards noirs se dissipent comme ombre au soleil dès que Yuuki voit la crinière dorée de Pyronée qui se précipite vers elle. Elles tombent dans les bras l'une de l'autre.
Pyronée: " Tu as été... lumineuse, Yuuki, c'était absolument magnifique! "
Yuuki: "Merci, Pyronée... "

Un organisateur un peu embarrassé s'approche de Tial: "Hum, vous savez, vous pouvez encore concourir. Si ce morceau est de vous, vous pourrez passer après la danse, dans la session des compositeurs."
Les yeux pleins d'étoiles de Tial regardent l'organisateur tranquillement: "Je vous remercie, mais je n'ai pas l'intention de concourir. Je préfère rester dans les Ports et jouer pour les gens qui y vivent."

Yuuki sourit. Ce n'est pas le rêve de Tial d'aller sur l'île ancienne. L'organisateur ne semble pas comprendre, et il se retire en secouant la tête: "Quel gâchis, quel gâchis... "
Pyronée: " Pff! De toutes façons, Tial n'a pas besoin de l'enseignement des anciens Elfes!"

A la suite de Yuuki, les quelques candidates qui restent passent sur scènes les unes après les autres, sans réelle motivation. Elle savent qu'elles ne peuvent égaler la prestation de la Lune. Enfin, toutes les candidates sont appelée sur scène, mais certaines sont déjà partie, refusant de subir l'humiliation publique de ne pas avoir été choisie. Le troupeau froufroutant monte sans énergie sur la scène, laissant Yuuki à l'écart, telle une horde de poules ayant découvert un cygne au milieu d'elles.

Le Grand Maître Daradan en personne se lève et monte sur scène, marchant avec la grâce innée des Elfes. Il se tourne vers le public pour saluer, puis vers l'ensemble des ballerines.
Daradan: " Jeunes demoiselles pleines de talents, vous avez toutes dansé avec toute votre âme et de toutes vos forces, et les juges ont apprécié vos efforts. Cette année, nous avons choisi une seule danseuse dont le talent lui donne une place parmi les élèves de l'ile de Lohrin."

Les autres filles ravalent leur tristesse et baissent les yeux, Yuuki reste calme et immobile, attendant la suite. Elle n'est pas du genre à crier victoire trop vite. Le Maître Elfe vient se placer devant elle et lui tend la main.
Daradan: " Yuuki, danseuse de la Lune, avance-toi."

Yuuki prend la main de l'Elfe, un peu tremblante malgrè elle. Guidée par Daradan elle s'avance sur le devant de la scène où la phrase traditionelle est clamée par tous les Elfes: " Honneur à notre nouvelle élève!"
Le public reprend en coeur avec une puissance inhabituelle: " Honneur à la nouvelle élève!!!"

Belle histoire, belle histoire,
Lune qui scintille sur l'eau
Noire

L'aube rose qui se lève sur la mer eclaire les pêcheurs qui reviennent au Ports et quatre silhouettes assises le long des docks, les pieds trainant dans l'eau. Toute la nuit, ils ont fêté, chanté et dansé le triomphe de la filles des Ports. Mais comme l'heure du départ approche, Tial, Yuuki, Pyronée et Dido se sont isolés pour passer leur derniers moments ensemble. Silencieux, ils regardent la mer. Trois Elfes et une humaine fatiguée tournent leurs regard dans la direction de la lointaine île de Lohrin. Ce matin, Yuuki va partir sur le bateau des Anciens Elfes.

Caressant la tête blonde de Dido couchée sur ses genoux, Yuuki se pose une question. Elle finit par la poser à haute voix à son amie et Kerne Pyronée.
Yuuki: "Pyronée, je serais pendant un an sur l'île de Lohrin. Je pourrais savoir quelles sont leurs défenses, les moyens d'approcher l'île..."
Mais Pyronée la coupe: " Yuuki, tu vas là-bas pour apprendre la danse, et pour rien d'autre. Je ne veux pas que tu te préoccupes de faire de l'espionnage. La guerre, c'est mon problème, pas le tien. Chacun à sa place."
Yuuki: "Mais là-bas, je serais inutile aux Enfants des Ports, je serais inutile à toi, Pyronée. Je ne pourrais pas te servir."

Pyronée sourit. Elle connait la loyauté de Yuuki envers elle.
Pyronée: " Tant que tu ne nous oublieras pas, tant que tu croiras en moi, Yuuki, tu seras ma force. Où que je sois, je serais soutenue par la lumière de la Lune, et je sais qu'elle brillera pour moi."
Yuuki baisse les yeux. Pyronée se lève et tire Yuuki pour qu'elle se lève à son tour.
Pyronée: " Yuuki, garde la tête haute. Tu es une enfant des Ports. Témoigne de notre grandeur par ta seule présence auprès des Anciens Elfes. Montre leur ce que valent les filles d'humains. C'est la mission que je te confie."
Les mains brune de Pyronée serrent les mains blanches de Yuuki avec force. Les yeux dans ses yeux, Pyronée prononce sa foi: "Je serais toujours avec toi."
Les mains de Tial et Dido les rejoignent: "Nous, tous, nous serons toujours avec toi. Notre lien ne sera jamais brisé."

Tous les Ports sont venus saluer le départ de leur éclat de Lune, les docks, les échafaudages et l'eau sont remplis d'enfants des ports qui agitent les mains. Sur le Pont, les parents de Yuuki regardent s'éloigner le bateau ramenant sur l'île de Lohrin les anciens Elfes, et leur fille.

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Lune qui scintille sur l'eau
Noire

Etoiles, l'île des Anciens Elfes

Sur le bateau vers l'île de Lohrin, Yuuki reste tranquillement assise à regarder la mer et l'île approchant. C'est la première fois qu'elle s'aventure aussi loin dans ces eaux. Les simples nageuses et les bateaux ordinaires ne peuvent y arriver, les courants magique qui entourent la zone empêchent toutes intrusions. Daradan, le Grand maître Elfique de la danse, s'approche de son élève et Yuuki se tourne vers lui. Malgré elle, Yuuki sent son coeur qui bat la chamade de savoir ce Maître qu'elle admire tant tout près d'elle. Rien que le regarder marcher avec sa grâce aérienne est un enchantement pour la jeune fille.

Daradan:" A Lohrin, il y a une pension pour les élèves ordinaires. Mais tu n'es pas une élève ordinaire, tu peux t'élever très haut dans l'Art, et je veux guider ton ascension. Je vais te prendre comme Apprentie personnellement et tu vivras dans ma demeure. Mon autre apprentie y vit déjà, et je suis sure que vous vous enrichirez mutuellement."

Yuuki incline la tête en réponse. Elle est trop émue pour faire sortir les remerciements de sa gorge. Elle se détourne pour regarder l'île enfin visible. Pour la fille des Ports, c'est une île étrange. Non pas un empilement de structures plein de vies, mais une grande et profonde forêt, vert sombre, nimbée de bancs de brume blanche et bleue. Au loin sur l'horizon, la grande barrière de vent, le sortilège qui protège leur Océan des attaques extérieures, créé par Calaelen après la mort du Balrog, il y a de ça plusieurs siècles. Cette île, ce monde nouveau, sera la demeure de Yuuki pendant plusieurs années.


Belle histoire, belle histoire,
Les Etoiles qui se reflètent sur l'eau
Noire

Le silence épais, à peine agité par quelques chants ou note qui meurent entre les épais troncs des arbres centenaires, la solitude de ces chemins mousseux, des passerelles tendues entre les arbres, le clair-obscur enchanté qui règne dans la forêt, toute l'atmosphère oppresse et inquiète Yuuki, habituée à la chaleur et la vie bouillonnante des ports. Elle suit Daradan sans rien dire, regardant avec inquiétude les palais translucides accrochés aux cimes des grands arbres. Les maisons ici sont si vastes, si loin les unes des autres.... Yuuki accélère le pas pour se rapprocher de son Maître, pour se rassurer par sa présence.

Enfin, ils atteignent la demeure de Daradan. Une jeune Elfe d'une grande beauté descend l'escalier en souriant pour l'accueillir: " Bon retour, Maître Daradan."
Elle est gracieuse et souple comme un cygne, flottant dans les longs voiles de sa robe, quand elle s'incline devant le Maître. Il présente les deux femmes: " Voici Deïdre, mon autre apprentie. Deïdre, je te présente Yuuki, qui va partager aussi notre demeure. Peux-tu l'aider à se sentir chez elle?"
Deïdre: " Oui, Maître."
Yuuki salue son ainée d'un bref signe de tête, Deïdre fait de même, mais son regard n'accueille pas favorablement cette nouvelle arrivée, cette apprentie qui vient lui faire concurrence.

Yuuki est conduite dans une des ailes du petit palais, où Deïdre lui montre une porte blanche ornée de sculpture: " Voici ta chambre, la mienne est la porte d'en face. Quand tu auras posé tes bagages, je te ferais visiter la maison."
Impressionnée, Yuuki entre sa chambre, regardant le sol de marbre reflétant son visage inquiet, les rideaux blancs du grand lit plus large que son ancienne chambre, la large fenêtre dont le balcon donne sur le moutonnement sombre de la forêt, la grande armoire dans laquelle rentrerait la totalité des effets de sa famille entière... Tellement d'espace. Ils y a tellement de place sur cette île, on pourrait y loger tous les enfants des Ports et tous les bannis sans même être serré...

Oui, les Anciens Elfes ont le luxe de l'espace, Yuuki le constate en suivant Deïdre dans cette seule maison. Croyant sans doute l'égarer, Deïdre l'a aussi menée à l'extérieur, lui montrant l'école de danse et de musique, la pension des élèves, la source d'eau claire sur la place de la Mémoire et le petit chemin qui mène à la plage. Mais Yuuki a grandi dans le dédale des Ports, elle ne se perd pas. Ici les chemins sont d'herbes et de mousses, de branches et de ponts sculptés dans le cristal, mais ils ne sont pas si différents des échelles, des cordes et des planchers de son enfance. Il suffit de les mémoriser, de repérer les raccourcis, de prendre des repère. Et quand le soleil se couche, c'est Yuuki qui précède Deïdre pour revenir à la maison. Au repas du soir, Yuuki écoutant les paroles douces et sage de Daradan et les répliques vives de Deïdre, se sent déjà un peu comme chez elle. Son nouvel environnement, sa nouvelle vie, elle saurait s'y adapter et s'habituer.

Le soir, dans cette grande chambre, roulée en boule seule dans son lit, Yuuki verse quelques larmes en pensant à Pyronée. Son frère, ses soeurs, ses parents, ses amis, ils sont si loin. Fermant les yeux, elle pense à la chaleur dorée de Pyronée et s'endort, finalement sereine.

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Les Etoiles qui se reflètent sur l'eau
Noire

Bien que doux et généreux, Daradan est un maître exigeant avec ses élèves. Yuuki, Deïdre et les élèves ordinaire s'exercent sous son regard expert, concentrée et tendues vers l'excellence. Les jeunes musiciens de la classe de musique, eux aussi surveillés par leur maître, leur donnent la mélodie et le rythme pour les faire danser. Daradan donne un conseil à Deïdre, puis il vient surveiller le mouvement des bras de Yuuki, ses deux apprenties progressent bien. A la fin de la leçon, comme à l'accoutumée, Deïdre part à la suite du Maitre pour retourner à la maison et se changer, alors que Yuuki reste avec les autres élèves et se change dans le vestiaire voisin.

Moins hautaine que Deïrde, elle n'a eut aucun mal à tisser des liens avec les autres jeunes qui apprennent les arts sur l'île, et apprécie leur compagnie, quoiqu'elle les trouve parfois superficiels et futiles.

Pour la plupart, ce sont des enfants de Elfes, de jeunes nobles et de riches héritiers, qui ont toujours vécu dans les hauts quartiers. Quelques rares enfant de marchands ou de pêcheurs, avec qui Yuuki s'est tout de suite sentie proche. Leur compagnie bruyante est apaisante pour Yuuki qui y retrouve par moment l'agitation de la vie, en contraste avec le calme lent de la vie quasi éternelle des Elfes et de la forêt. Avec l'autre apprentie de Daradan, par une espèce d'accord tacite, Yuuki s'en tient à la stricte courtoisie. En-dehors des repas et des cours de danses, elles ne se côtoient pas.

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Les Etoiles qui se reflètent sur l'eau
Noire

Le silence de la nuit commence à peine à laisser place à une aube grise, mais Yuuki est déjà levée, comme tous les matins. Vêtue de ses vêtements d'îlienne, elle sort de la maison et commence à courir à petite foulée sur le chemin. Comme tous les matins, elle explore l'île en courant, Sans jamais ralentir le rythme, elle court sur la plage, les chemins de terre, les ponts ou les troncs inclinés des arbres. Complètement seule avant que commence le jour, Yuuki savoure ce moment de liberté.

Le bruit d'une course lui fait jeter un regard derrière elle, un jeune homme est en train de la rattraper. Percival, un élève harpiste, fils d'un membre du Conseil influent.
Percival: " Tu es bien matinale, Yuuki. Tu t'échauffes?"

Yuuki regarde devant elle sans répondre. Elle n'a pas de souffle à gaspiller pour des paroles futiles et il trouble sa tranquilité. Elle continue à courir. Il suit le rythme à coté d'elle.
Percival: " Tu fais ça souvent?"
Le sable de la plage commence à crisser sous ses pieds, c'est le moment du sprint. Yuuki accélère, surprenant brièvement le jeune homme. Il revient à sa hauteur, un peu essouflé.
"C'est une coutume des bas quartiers?"

A la fin de la longue ligne droite, portée par son élan, Yuuki bondit sur les rochers, puis sur un tronc d'arbre penché. Elle ralentit pour escalader les branches branches du sommet et arrive enfin sur sa place préférée. Une longue branche surplombant la falaise, d'où elle pouvait voir la mer et ce coté de l'horizon encore sombre. Maintenant immobile, Yuuki se tient debout au milieu de la branche, ses pieds ouverts et ses bras inclinés en une position de base. Fermant les yeux, elle apaise sa respiration, et , lentement, passe d'une position à l'autre, en équilibre sur cette branche, comme suspendue au-dessus du vide.

Percival a réussi à la rejoindre, mais il n'ose pas s'aventurer sur la branche trop fine pour leur deux poids. Il n'ose pas parler, de peur de la surprendre et de la faire tomber. Il ne peut que la regarder en silence, inquiet. A la fin de ses exercices, Yuuki se retourne et le voit, il est toujours là: "Il n'y a pas la place de courir dans les Bas Quartiers."

C'est sa réponse. Il est surpris. Ils redescendent en silence de l'arbre et reviennent vers les habitations des Elfes, les cours vont bientôt commencer. Une nouvelle fois, il essaye de la questionner: " Tu aimes bien te promener comme ça?"
Yuuki répond: " Oui, j'aime le silence."

Elle marque un point. Il se tait un instant. Mais il n'est pas homme à pouvoir endurer longtemps le silence, il entame un autre sujet de conversation: " Tu as l'air bien intégrée dans le cours maintenant. Tout le monde ici a été surpris que Daradan prenne une deuxième apprentie, il paraît que c'est très rare qu'il y en ait juste une... alors deux. Où as-tu appris à danser?"
Yuuki: "Dans l'école de danse de mon quartier."
Percival: " Vraiment? tu n'as pas eut de maître particulier?"
Yuuki: "Il n'y en a pas dans le quartier des Ports."
Percival: " Alors tu es telle une perle qui est née sur un tas de fumier."
Yuuki réplique: " Il y a beaucoup de grands artistes dans les bas Quartier. Le talent n'est pas réservé au noble."
Percival a un sourire un peu mérpisant: " Si tu le dis, mais je ne peux que constater que ces talents des bas quartiers n'arrivent que rarement jusqu'ici."

Sans colère, Yuuki répond: "C'est parce que les jeunes nobles médiocres et sans talents ont seuls assez de temps libre pour s'entraîner pour le concours et se payer des instruments de luxe, parce que seules les grandes fortunes et les nobles influent peuvent faire pression sur les juges pour faire admettre leurs enfants et chasser les concurrents plus pauvres..."
Percival réagit: " Là, Yuuki, tu vas trop loin. Nous aussi, nous sommes sélectionnés comme tous les autres..."
Yuuki: "Alors pourquoi un musicien aussi médiocre que toi a-t-il une place dans le cours de musique des Anciens Elfes?"
Percival: " Comment oses-tu!?"
Yuuki: "Tu devrais pourtant en avoir conscience. Tu n'es pas au niveau. Tu es un musicien de cour tout juste passable. Je connais dans les ports des enfants dont les mélodies te feraient honte."
Laissant derrière elle Percival, Yuuki retourne dans sa chambre. Il faut qu'elle prenne une douche avant de commencer sa journée.

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Les Etoiles qui se reflètent sur l'eau
Noire

Après quelques jours à l'éviter, Percival s'annonce chez Daradan un soir et demande à voir Yuuki. Un peu surprise de l'audace, elle le reçoit au salon que le maître a eu le tact de lui laisser. Il s'assoit, il a l'air un peu gêné: " Yuuki... je... j'ai beaucoup réfléchi, ces derniers jours. Tu avais raison."
Elle laisse passer le silence.
"Tu es la première personne qui a eut la franchise de me le dire en face. Je viens seulement de comprendre que... la position de mon père au Conseil est la seule raison pour laquelle les Elfes m'ont accepté ici. j'ai été idiot de croire que mon talent... en était la cause. Désolé pour ... mon attitude. Je ne savais vraiment rien."

Puis il relève la tête, son regard brun plongeant dans les yeux clairs de Yuuki, saisie: " Yuuki, parle moi des Bas Quartier. Parle moi de ta vie sur les Ports, parle-moi cette partie de notre pays... dont j'ignores quasiment tout. Toi qui est droite et franche, dis moi ce que les tiens pensent, ce qu'il espèrent, ce qu'il veulent."

Yuuki se redresse, sur la défensive, que cherche-t-il? Peut-elle répondre sans mettre les siens en danger? Pourquoi l'interroges-t-il?

Il comprend sa réaction: " Ainsi, le peuple des Bas Quartier se méfie de nous, habitants des Hauts Quartiers. Vous avez sans doute vos raisons... nous sommes trop loin de vous, je viens de le comprendre. C'est pour ça que je veux vous connaître. Vous êtes aussi le peuple d'Ossée, il ne doit pas y avoir de fossé entre nous. Yuuki, comble mon ignorance, je t'en prie, et aides moi à franchir ce fossé."

Ses yeux sont sincères, et Yuuki se prend à espérer. Si elle parle à ce jeune Noble des Ports, peut-être pourra-t-il agir pour améliorer la vie des petites gens et des clandestins...

La discussion a été longue entre Percival et Yuuki, et il est tard dans la nuit quand il rejoint la pension. Yuuki s'étire, une fois n'est pas coutume, elle a beaucoup parlé, et elle est fatiguée maintenant. Sortant du salon pour regagner sa chambre, elle croise Daradan dans le couloir éclairé par la Lune: "Bonsoir, Maître."
Daradan: " Bonsoir Yuuki. Ton ami est rentré?"

Il s'assoit sur le bord d'une fenêtre, regardant le paysage nocturne. Pour une fois seule avec lui, sans Deïdre, Yuuki lui répond le coeur tranquille: " Oui, je suis désolée, nous avons longtemps occupé le salon."
Daradan a un sourire: " Ce n'est rien, les jeunes gens ont le droit d'avoir de doux moments entre eux."
Yuuki ne comprend pas au premier abord, puis elle se trouble et rougit violemment: " Oh non, Maitre Daradan, ce n'est pas ça... Je ... je ne fréquentes pas Percival..."
Encore une fois, son coeur s'affole quand le maître la regarde avec bonté: " Il n'y a là aucun mal."
Yuuki: "C'était juste une discussion, entre amis."
Daradan: " Ce jeune homme a pourtant beaucoup d'affection pour toi..."
Yuuki tombe des nues. Elle ne s'en était pas rendu compte. Et Pyronée n'était pas là pour le décourager. Un peu embarrassée, elle essaye de s'expliquer: " Maître Daradan, je... je ne suis pas attirée par ce garçon. Ce n'est pas ça que je suis venue chercher sur cette île, ce n'est pas ce qui compte dans ma vie."

Daradan la regarde, ses yeux elfiques remplis d'étoiles brillent et son sourire semble plus chaleureux: " Alors, Yuuki, qu'est-ce qui compte dans ta vie? a quoi te consacres-tu? "
D'une traite, elle réponds: " La Danse. Je ne me consacre qu'à la danse."

Et à Pyronée, mais cette pensée reste secrète, trop sacrée pour être formulée à voix haute. D'un geste fluide, les doigts blancs de Daradan repoussent les mèches noires du front de Yuuki et ses lèvres d'y posent brièvement: " Tu as ma bénédiction, Yuuki."

Yuuki tremblante d'émotion le regarde partir avant de regagner sa chambre et de se jeter sur son lit, le coeur rempli d'étoiles.

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Les Etoiles qui se reflètent sur l'eau
Noire

Feu, la danse du Balrog

Dans l'ïle d'ordinaire sereine, un léger vent d'excitation a commencé à souffler. Cette année a lieu la cérémonie de commémoration de la Victoire sur le Balrog. Un grand spectacle est prévu pour cette occasion, où les élèves mettront en scène le Ballet d'Ossée, l'oeuvre qui relate l'histoire de leur peuple et leur combat contre l'envahisseur. Tous les jeunes artistes, musiciens, danseurs, peintre, sculpteurs et couturiers sont en effervescence. Ce spectacle sera l'occasion pour eux de produire le meilleur de leur Art, en souvenir de cette période où tout a changé, où beaucoup sont morts.

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Le Feu qui ondule sur l'eau
Noire

La répartition des rôles chez les danseurs n'est pas encore faites. Qui dansera le Balrog, le premier rôle et le plus difficile? qui dansera Eldarwen, le second rôle? Certains chuchotent que Maitre Daradan lui-même pourrait danser le Balrog, ou alors le jeune Elfe Kstar... peut-être même Deïdre. Pour Eldarwen, le choix entre Yuuki et Deïdre sera sans doute serré, aussi, elle sont tout aussi talentueuse l'une que l'autre. Les rumeurs et les pronostics vont bon train dans la salle de danse où les élèves attendent le Maître. Se tenant à l'écart de ses camarades inférieurs, Deïdre est sure d'elle, elle sait déjà que ni Daradan, ni Kstar ne danseront ce ballet. Face à elle, dans le rôle de Eldarwen, ça ne peut être que Yuuki.

Le Maître entre, et le silence se fait. Daradan prend la parole, mettant fin à l'attente: " Je vais vous attribuez vos rôles dans ce ballet, soyez attentifs."
Il commence par se tourner vers le paquet des élèves: " Yuuki, tu danseras le rôle du Balrog."
Un murmure se propage, Deïdre réfrène un mouvement de surprise, même Yuuki ne s'y attendait pas. Le coeur battant, elle répond: " Ce... Ce sera un honneur."
Puis Daradan se tourne vers son autre apprentie: " Deïdre, tu danseras Eldarwen."

Elle incline la tête en réponse. Tandis que le Maître répartit les autres rôles, Yuuki regarde dans sa direction et croise les yeux de la jeune Elfe. Elle y lit la colère et la frustration.

Il y a beaucoup de travail à faire et toutes répétitions seront maintenant orientées pour le spectacle. Les élèves se sont mises au travail immédiatement après l'annonce de Daradan, pleins de motivations. A la fin de la répétition, alors que le groupe part vers les vestiaires, Daradan retient ses deux apprenties, il veut leur donner des conseils personnels pour leur rôle. C'est le moment que choisi Deïdre pour contester: " Maître Daradan, je sais que vous êtes d'ordinaire bon juge, mais je suis en désaccord avec vous, cette fois. Mieux que Yuuki, je serais capable de danser le Balrog. Elle manque encore d'expérience, et vous avec dit vous-même qu'elle avait moins de grâce que moi!"

Daradan explique patiemment: " Deïdre, tu es une Elfe, comme moi. Tu est naturellement gracieuse et légère, ta danse est fluide et scintillante, tes mouvements éthéré et transparent. C'est pour ça que tu ne peux danser le Balrog."

Elle reste stupéfaite.
Daradan: " Le Balrog est une créature de chair et de feu, ses mouvements doivent respirer la puissance et la détermination. Yuuki, dont la danse est terrestre et expressive est la seule personne à pouvoir incarner le Balrog. De plus, c'est un rôle très dur physiquement, et tu es moins musclée et endurante qu'elle, je ne suis pas sûr que tu arriveras à endurer ce rôle, normalement prévu pour un homme."

Deïdre baisse la tête, honteuse, et Daradan la réconforte: " Tu es par contre exactement celle qui convient pour incarner l'Efle Eldarwen, noble, fière et dévouée. Dans ce rôle, tu pourrais danser au sommet de tes capacités."
La jeune Elfe s'incline, le Maître avait bien jugé.

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Le Feu qui ondule sur l'eau
Noire

Les répétitions s'enchaînent, les danseurs répètent, les costumiers cousent, les peintres et les sculpteurs érigent les décors, les musiciens apprennent leurs partitions. Dans la salle de danse, Yuuki regarde Daradan conseiller Deïdre. La jeune fille danse, mais le maître n'a pas l'air satisfait. Yuuki sait ce qui ne va pas. A la fin de la répétition, les autres élèves rentrent à la pension, mais Deïdre n'a pas l'air de vouloir partir. Elle aussi, elle sait que sa danse n'est pas à la hauteur, qu'il lui manque quelque chose, elle ne veut pas rester aussi médiocre. Encore une fois, elle lève l'épée de Eldarwen... enfin, l'accessoire de scène représentant l'épée de Eldarwen. Yuuki la regarde un instant en silence, puis elle sort. Dans le couloir, elle décroche deux épées ornementales. Deux vraies épées. Et elle revient dans la salle de danse.

Yuuki: "Tu n'arriveras à rien avec ce jouet."
Deïdre surprise se retourne d'un bloc et lui lance un regard furieux.
Yuuki: "C'est impossible de manier une épée aussi légère de la même manière qu'une vraie, tes mouvements rendent artificiels. Tu fais honte à Eldarwen. En plus, tu tiens mal la poignée."
Deïdre furieuse lance l'accessoire par terre et crie: " Vraiment?! et bien, montre moi comment tu manie une vraie épée, alors!"

Yuuki pose une des vraies épée par terre, et elle lève l'autre d'un seul geste, ses yeux fixés sur Deïdre. Celle-ci ne peut réprimer un frisson de peur et un sentiment de recul quand Yuuki avance vers elle d'un mouvement vif. Puis elle pare, fait tournoyer l'épée, enchaîne les coups et les feintes. Elle sait manier l'épée, elle connaît le sens du combat, elle peut transmettre l'intensité des batailles dans sa danse. A la fin de la démonstration, elle tend l'autre épée à une Deïdre rendue muette par la stupeur. La jeune Elfe prend la poignée, incertaine, et bascule en avant sous le poids. Elle doit mettre les deux mains pour la tenir, et même ainsi, elle a du mal à la maintenir.

Deïdre: " C'est... lourd."
Yuuki: "Regarde, place tes mains comme ça. Maintenant, lève l'épée."
Deïdre ne discute pas, elle obéit. Jusqu'à la tombée de la nuit, elle et Yuuki se sont entraînées au maniement de l'épée, et la jeune Elfe est épuisée. Ses bras la tirent d'avoir soulevé un tel poids, la peau de ses mains est rougies et écorchée par la poignée, ses jambes tremblent. Un peu hébétée, elle regarde ses mains: " Alors c'est ça.... manier l'épée...."

La grâce aérienne, les gestes délicats, le corps fins comme un cristal... la danse de l'épée n'est rien de tout cela. C'est une danse dure et cinglante, qui raconte la guerre, la douleur et la mort, c'est une danse mêlée de désespoir et de bravoure. Tout ce que Deïdre n'a jamais connu, tout ce qui lui manque pour danser cette danse.
Deïdre: " Yuuki... Je dois m'endurcir, je dois apprendre à me battre. Ce n'est pas une danse que nous devons jouer, c'est un véritable duel. Toi qui connais déjà le langage du métal, apprends-moi, apprends-moi à être une guerrière."

L'Elfe est prête à relever le défi. Elle doit apprendre une autre manière de danser, elle a peu de temps, mais elle le fera. Elle le fera pour rendre honneur à Eldarwen, à cette noble Elfe qui s'est sacrifiée, à la mère de Calaelen.

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Le Feu qui ondule sur l'eau
Noire

La scène a été installé sur l'eau, une série de grands radeaux flottants, accrochés exactement à l'endroit où a eut lieu la dernière bataille. Sur chacun des radeaux, un décor somptueux ouvert pour permettre la plus large vision. Sur l'un, les grands arbres et les palais blancs des Elfes. Sur l'autre, les maisons et les rochers représentant les îles des hommes et des Nains. Sur un troisième radeau, une étendue noire représentant un ocean surplombé de lourds nuages et de tempête. Tout autour des scènes, amassés sur des bateaux, flottants sur des rondins ou même simplement nageant pour se tenir à la surface de l'eau, les spectateurs de toutes les îles sont venus en nombre. Naturellement, les anciens elfes et les nobles se sont attribué les meilleurs place, celles qui font face, mais l'océan est assez vaste pour accueillir tout ceux qui veulent assister à l'événement, qui n'a lieu qu'une fois par siècle.

La nuit est enfin tombé, et la magie des Elfes illumine les scènes. Une salve d'applaudissement vient saluer Maître Daradan apparaissant sur scène. Saluant Calaelen, la fille de Eldarwen, il donne le signal du spectacle. La musique joue ses premières note, toutes les scènes s'éteignent sauf la scène des hommes et la narration commence: "Autrefois vivaient sur les îles quatre peuples séparés. Elfes, Nains, Hommes et Hobits, chacun vaquant à ses affaires sans se préoccuper des autres. Tac, tac, tac entendez-vous le bruit de la mine...."

Cachées dans les loges sous le décors, Yuuki et Deïdre se concentrent, attendant le moment où elle devront entrer en scène. Une lourde pression pèse sur Deïdre, car Calaelen, la fille de Eldarwen, la regardera de toute son âme, elle qui était une toute jeune enfant à l'époque où le drame s'était produit.

Comme la narration introduit le peuple des elfes sur son île, Deïdre et les autres danseurs représentant les Elfes, vêtus de voiles, montent sur leur scène maintenant éclairée pour danser leur tableau. Yuuki et les danseurs noirs et rouges restent seuls dans les loges. Ce n'est pas encore leur moment. Les yeux clos, Yuuki écoute les battements de son coeur, sent la chaleur qui martèle ses tempes. Ce n'est pas que le trac. Ce qu'elle ressent, c'est la chaleur de Pyronée. Elle est là, quelque part dans cette foule, elle va la regarder danser. Yuuki le sait.

Soudain, la musique change de tonalité, devient oppressante, alors que le narrateur d'une voix forte déclame: " De sombres nuages obscurcissent le ciel, la tempête souffle et fait rage, quel mauvais présage, quel mauvais présage!"Et la musique s'arrête. Plus un bruit ne retentit, les danseurs Elfes sont figés en un tableau représentant l'inquiétude et l'attente, tout le monde retient son souffle. Et le Balrog pose son pied noir sur l'île des Elfes.

La musique sauvage, la danse implacable, c'est le solo du Balrog, l'arrivée du seigneur des flammes et de la destruction dans la paix des îles. Yuuki tout entière EST le Balrog, ressent sa sauvagerie, sa brutalité et sa haine. Le public tremble d'émotion. Tout le tableau s'anime, la scène raconte le ravage de l'île des Elfes, le massacre de leur peuple, l'incendie de la forêt millénaire, les rares survivants et les enfants acculés à la mer et ne pouvant s'échapper... Le son cristallin de la harpe, accompagne Eldarwen qui se relève au-dessus de son peuple apeuré. Seule à danser, Deïdre raconte la prière de Eldarwen à Ossée, le Dieu de l'océan, sur la mélodie claire d'une simple harpe. Le Dieu de l'océan a entendu sa prière, il a compatit à la terreur et au désespoir des Elfes. Etendant ses doigts sacrés sur le cou des rescapés, il leur donne la vie de l'océan, la faculté de devenir créatures marines. Devenus moitié poisson, les Elfes fuient dans la mer. Mais pas Eldarwen.

Sur la scène de l'île des Elfes, Yuuki et Deidre restent seules et se font face. Pour couvrir la fuite des siens, pour empêcher que le Balrog ne partent à leur poursuite et ne ravage les autres îles, Eldarwen est restée. Frèle Elfe, son sacrifice lui donne la force de défier le Seigneur du feu et de se battre avec lui. Les épées s'entrechoquent et claquent, ce ne sont pas des accessoires, ce sont des vraies épées et le public frémit de plus belle. Yuuki gainée de noire, Deïdre flottant dans les voiles blancs, c'est le grand duel du Balrog et de Eldarwen. Les deux danseuses sont en parfaite harmonie, leurs souffles synchronisés, leurs geste réglés au millimètre par des journées d'entrainement, par ce lien qui s'est tissée entre elle au fur et à mesure de leur confrontation. L'une et l'autre se sont poussés à aller plus loin, à se dépasser. Et maintenant leur duo resplendit.

Trois jours et trois nuits, Eldarwen et le Balrog se sont battus sur l'île réduite en cendre et frappée par un vent de tempête. L'Elfe tranche une des ailes noires du Balrog avant de s'effondrer, transpercée par l'épée de feu. Eldarwen est tombé, mais le Balrog ne s'en sort pas indemne, il est affaibli et furieux. La scène s'éteint sous les vivas des spectateurs.

Après un court entracte, la scène de l'île des hommes, des nains et des Hobbits s'allume et le narrateur reprend le fil de l'histoire: " Pendant le combat du vent et du feu, les Elfes portés par l'océan se sont échoués sur la plage de l'île, et les humains leur ont ouverts les bras...." Le corps du ballet danse la panique qui s'empare des trois autre peuples, puis leur unions sous un seul serment. Bénis par les doigts d'Ossé, les quatre peuples devenus un rassemblent leur force, leur ingéniosité, leur adresse et leur magie pour se préparer à combattre le Balrog.

Sur l'île des Elfes, le Balrog danse sa rage et sa colère. Les blessures infligées par Eldarwen ne guérissent pas, le vent et la pluie s'acharnent sur l'île et le malmènent, il est ivre de carnage et de vengeance. De sa seule aile, il s'élance au-dessus de l'océan, cherchant sa prochaine victime. Quand il voit se dresser une petite île, il croit l'avoir trouvée et se pose. Mais le piège se referme sur lui et la fausse île, construite de toutes pièces, s'enfonce dans l'océan, entraînant le Balrog avec elle. La sombre créature se débat, puis s'éteint. Le Balrog est vaincu et les applaudissements crépitent quand la musique se tait.

Dans le dernier tableau, tous les peuples sont mêlés et plus rien ne les distingue. L'enfant Calaelen pleurant sa mère crée le sort du mur des tempêtes, muraille de vent furieux séparant leur océan du reste du monde. Plus aucun danger ne pourra les attaquer. Sous les acclamations des spectateurs, tous les danseurs montent sur la scène pour saluer, Yuuki et Deïdre en tête, radieuses. Descendant du bateau des invités d'honneur, Calaelen, les larmes aux yeux, les rejoint sur la scène.
Calaelen: "Enfants, jamais je n'avais vu ce ballet aussi beau, vous avez dansé à la perfection. Je vous félicite, et je vous remercie pour la mémoire de ma mère."

D'un coté de la scène, les applaudissement et les vivas ne se sont toujours pas arrêté, ils semblent demander quelque chose et les danseurs étonnés se tournent. Dans cette direction, ce sont les petites gens, les habitants des bas quartiers. Soudain, une musique s'élève de la foule, un orchestre improvisé est en train de reprendre un morceau de la mélodie. Le coeur battant, souriante, Yuuki reconnait à l'oreille la flûte de son frère. Il est là bas, lui et ses musiciens. Pyronée, Dido, ses parents et tous les enfants sans nom. Ils sont là pour elle. Daradan se penche vers Yuuki: "Yuuki, ton public te réclame, répond à son attente."

Car la musique qu'on entend est celle qui précède l'arrivée du Balrog. Tous les autres danseurs dégagent la scène, et Yuuki reste seule au milieu, éclairée par la lumière blanche de la Lune et de la magie des Elfes. Elle fait face aux peuples d'en bas, tournant le dos aux nobles et aux Elfes. Pour eux, pour eux seulement, pour les siens, pour Pyronée, elle va danser. Le temps de silence, le premier pas, et le Solo du Balrog s'élève une nouvelle fois sur l'océan.

C'est le triomphe du feu et la gloire de Yuuki, fille des Ports.

Belle histoire, belle histoire
Le Feu qui ondule sur l'eau
Noire

Nuit, la trahison des Elfes

La fièvre qui avait envahie l'île avec la préparation du Ballet d'Ossée est retombée. La vie ordinaire des Elfes et des élèves a repris son cours paisible. Maintenant très proches, Yuuki et Deidre s'entraînent régulièrement ensemble sous la direction de leur maître. Tout aussi régulièrement, Percival tente de faire la cour à Yuuki, qui l'écoute patiemment sans le repousser, mais sans l'accepter non plus. Elle appartient à Pyronée.

Bien que concentrée sur la danse et ses vagabondages solitaires dans l'île, Yuuki commence à s'apercevoir que quelque chose a changé sur l'île des Anciens Elfes. L'ambiance n'est plus tout à fait la même. La sérénité et l'immobilisme des Elfes semble perturbée, ils s'agitent, ils discutent souvent entre eux d'un air soucieux, se taisant quand des élèves s'approchent. Même maître Daradan a changé. Souvent, il regarde Deidre, et surtout Yuuki, d'un regard sombre. Même dans sa danse, le changement se ressent. Une danse sombre et sous laquelle pointe une violence sourde.

Spectatrice indifférente, Yuuki regarde et ressent ce changement sans comprendre, ni chercher à comprendre. L'interceptant au cours de sa course d'échauffement matinal, c'est Percival qui vient lui expliquer la situation. Par un intermédiaire en visite sur l'île Percival a obtenu des informations de son père, membre du Grand Conseil. La situation est critique au Conseil et un clash est sur le point de se produire entre les Anciens Elfes et le reste de la population. Sous la pression des bas Quartiers de plus en plus militants, le Grand Conseil souhaite ouvrir une partie de l'île des Anciens à la construction d'une structure d'habitation où pourraient aller vivre une partie de la population. Evidemment, les Anciens Elfes y sont farouchement opposés et refusent toute négociation. Craignant que son fils soit pris en otage par les Elfes, le père de Percival a pris des arrangements pour le faire quitter l'île.

Yuuki demande calmement: " Et les autres élèves?"
Percival baisse la tête: " Il n'a rien prévu... Mais écoute, un petit voilier va partir avec la marée de ce midi à partir de la crique des Lames, en secret. Je partirais avec et on peut accueillir encore une personne à bord... Yuuki, sauve-toi avec moi."
Yuuki: "Merci pour l'intention, mais je refuses. Je ne crois pas que les Elfes s'abaisserons à prendre les élèves en otage. Si un conflit éclate vraiment, nous serons sans doute expulsés et je partirais alors avec les autres."
Percival: " Yuuki, tu idéalises trop les Anciens. C'est leur Terre et surtout leur privilège auquel le Conseil essaye de s'attaquer. Ils vont se défendre de toutes leurs forces... mais ils sont peu nombreux, ils ne savent pas se battre pour la plupart. Ils sont sûr de perdre! Leur seul moyen de s'en sortir est de nous prendre en otage pour faire pression sur le conseil. Ils ont déjà commencé, les courants autour de l'île sont déjà plus puissants."
Yuuki: "Percival. Je fais confiance à Maître Daradan."

Il n'y a plus rien à dire. La foi de Yuuki en Daradan est totale. Laissant Percival derrière elle, Yuuki reprend sa course.

Belle histoire, belle histoire,
La Nuit qui tombe sur l'eau
Noire

Toutefois, les révélations de Percival lui donnent à réfléchir. Autant elle a confiance en son maître, autant elle n'a pas confiance en Calaelen totalement. Interrompant son circuit plus tôt que d'habitude, elle rentre rapidement dans sa chambre, prenant un raccourci par le balcon. Rapidement, elle enferme dans un coffret étanche tout ce qu'elle a pu rassembler comme informations sur l'île. Sa géographie, les courants alentours, les effectifs des Elfes et les pouvoir qu'ils ont.. tout ce qu'elle a pu trouvé. Puis, du haut du promontoire Hurlemer, elle lance le coffret le plus loin possible. A partir d'ici, il y a un courant qui part vers les autres îles, en profondeur... Yuuki fait confiance au Dieu Ossée pour mener le coffret à bon port, à Pyronée.

Longuement, Yuuki a regardé la mer du haut du promontoire, pensant à ceux se trouvant au loin, là-bas, les siens, sa famille, Pyronée. Quand elle se reprend, l'heure du petit-déjeuner est passée, et elle est même déjà en retard pour le cours. Tellement en retard qu'il n'y a plus personne dans la salle de danse à part le Maitre quand elle rentre. Où sont les autres élèves? Leurs affaires ne sont même pas au vestiaires... Yuuki regarde autour d'elle un peu incertaine, mais elle se reprend pour faire face à Daradan: " Je suis en retard, je suis désolée."

Daradan a un petit sourire: " Ce n'est pas grave Yuuki, il n'y a pas cours aujourd'hui. Calaelen t'as convoquée, elle demande à te voir. Viens, je vais te conduire."

Silencieuse, Yuuki suit Daradan la tête pleine de question sur cette convocation soudaine. Dehors, seuls ses pas résonnent sur les dalles de pierres. Il n'y a plus aucun bruit. Que se passe-t-il? Où sont les élèves toujours si agités, si bruyants? Ont-ils eux aussi été convoqués? Peut-être Calaelen va-t-elle faire un discours devant tous les élèves.

Non, elle est seule dans la salle des Guides, le centre du Pouvoir de l'île des Elfes. Assise sur le grand fauteuil de sa fonction, Calaelen caresse doucement un globe de cristal posé sur ses genoux, un globe dans lequel la nuit et le feu se tordent. Daradan et Yuuki saluent Calaelen en entrant.
Calaelen demande: " C'est elle que tu recommandes, Daradan?"
Daradan: " Oui."

Et Calaelen lève ses yeux vers Yuuki, ses lèvres marmonnant des mots incompréhensibles. Immédiatement, Yuuki sent son corps qui lui échappe et elle tombe à terre, consciente mais incapable de commander ses mouvements. Son âme affolée voient d'autres Elfes entrer et faire cercle autour d'elle, avec Daradan qu'elle regarde sans vouloir admettre, sans vouloir comprendre. Par la fenêtre ouverte, Yuuki distingue au loin les grands Aquarium du palais dans lequel nagent frénétiquement des sirènes entassées. Les autres élèves, prisonniers. Voilà où ils étaient tous passés? Mais pourquoi ne l'emmènent-ils pas avec eux?

Les Elfes restent autour de son corps, traçant des signes sur le sols et sur sa peau, psalmodiant en langue ancienne des sortilèges. De plus en plus, Yuuki sent avec horreur une volonté extérieure prendre le contrôle sur elle-même, sur cette fille à la peau blanche allongée sur le marbre. Son âme hurle intérieurement de peur, de désespoir, de colère, sans pouvoir s'exprimer extérieurement. Son corps, ses mouvements, ses pensées ne lui appartiennent plus. Elle n'est plus qu'une faible lueur prisonnière du sortilège des Elfes imprimé dans son corps.

Le sort est terminé, les yeux brûlant de joie, Daradan ordonne: " Yuuki, lève-toi."

D'un mouvement gracieux, le corps de la jeune fille se relève, ses yeux éteints regardant le vide. Mais elle est debout. Elle obéit.
Daradan ordonne: "Yuuki, tu sais où est Percival. Va le trouver... et tue-le."
La jeune fille se met en marche. Sortant du palais, suivant les chemins déserts de la forêt, elle sait où elle va.

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La Nuit qui tombe sur l'eau
Noire

Dans la crique des Lames, le navigateur inquiet tente de convaincre Percival de partir sans attendre. Mais Percival veut croire que Yuuki va changer d'avis et le rejoindre. Effectivement, la silhouette de la jeune fille se découpe en haut du chemin. Le coeur battant, Percival saute sur la plage pour venir à sa rencontre, mais son sourire se fige quand son regard croise celui de Yuuki. Froid, éteint. Il n'a pas le temps de se poser de questions, une douleur fulgurante transperce son corps. D'un air stupéfait, il regarde la main de Yuuki tenant le poignard qui vient de se planter dans son torse. Ses jambes le lâchent, son horizon se voilent et il chutent, maculant de rouge la tenue blanche de la jeune fille. La navigateur pousse un cri de rage et il court, arme à la main, au secours de son maître, mais la lame précise de Yuuki lui ouvre la gorge d'un seul coup rapide. Sur le sable de la plage, les deux hommes agonisent sous le visage impassible de Yuuki. Du haut de la falaise, Daradan regarde la jeune fille satisfait. Il l'appelle: "Yuuki!"

Elle remontre le chemin pour le rejoindre. Docile, elle le suit jusqu'à la maison. Du palais de Calaelen, les uns après les autres, les élèves sortent en silence, les yeux éteints, suivant leurs maitres. Ensorcellés, prisonniers.

Au lever du jour, allongée dans le lit de Daradan, le corps de Yuuki se réveille. Ses cheveux sont devenus d'un blanc immaculé. Elle a été consicente toute le long. Elle est toujours consciente, mais son corps et son esprit ne lui appartiennent plus, elle est esclave de Daradan.

Percival avait raison.

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La Nuit qui tombe sur l'eau
Noire


Métal, le désespoir des batailles

Pantins dociles aux ordres de leur maîtres, leur esprit muselé par les sortilèges, les élèves aux yeux privés de lumière se dressent debout dans l'île. Tant que leur maître ne leur ordonne pas de bouger, ils restent la plupart du temps immobiles, figés, assis ou allongés, comme perdus dans une rêverie dans fin. Pourtant, ils sont conscients, ils savent et ressentent tout ce qu'il se passe autour d'eux, sans pouvoir avoir la moindre emprise sur leur propre corps. Quels sentiments étouffés par la magie dorment ou hurlent derrière leurs yeux éteints?

Sous les ordres de Daradan, Yuuki danse. Toujours aussi belle, toujours ses mouvements si puissants, si terrestres. Daradant peut être fière de son élève et maintenant amante. Son trésor, sa perle rare. Sa deuxième élève aussi danse, aérienne Deidre, mais son étoile est Yuuki. Le sortilège a à peine altéré l'expression de son visage, depuis toujours, elle avait cette expression parfois un peu absente, détachée. Maintenant, cette expression est parfaite. Aucune altération du visage ne vient déranger le regard du maître, seul la pureté du geste demeure et attire. Sa réussite, la danseuse parfaite, la femme parfaite. Entièrement à lui et lui seul

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Métal qui luit sur l'eau
Noire

Forts de leurs otages, les Elfes ont tenté d'imposer leur loi au Conseil, qui a refusé de céder. Et même pire, ils sont maintenant prêt à prendre les armes et attaquer l'île des Anciens pour sauver les élèves. C'est la guerre. Même aidés des courants et des vents, que pourront faire une poignée d'anciens Elfes contre les Forces Armées des îles qui vont déferler sur eux?

Les homme de la garde, envoyés par le Conseil, sont déterminés à lancer l'assaut à tout prix sur l'île des Anciens pour sauver les jeunes otages. Les bateaux louvoient entre les courants en profitant de la marée et tentent de se rapprocher de l'île, encadrés par les nageurs armés.

Mais soudain, leur résolution flanche quand ils voient une armée qui se dresse sur la plage. l'armée des otages, des élèves prisonniers. Armes à la mains, le regard vide, ils se glissent dans l'eau pour attaquer ceux qui sont censés les libérer. Comment les envoyés des autres îles pourraient lever leurs armes contre les élèves, contre les jeunes de leur propre pays? Les soldats reculent, les bateaux s'éloignent en pleine pagaille. Reconnaissant un enfant, un cousin, un frère ou une soeur, certains voient l'espoir de les sauver. Le premier otage, un apprenti musicien, est arrivé à proximité des garde, un harpon à la main. Les gardes évitent son arme et le contournent, l'encerclant. A plusieurs, ils parviennent à le désarmer et à le hisser sur un bateau. Ce n'est qu'un musicien, il ne sait pas se battre, même sous l'influence d'un sortilège.

D'autres jeunes sont capturés et amené sur les bateaux, mais les gardes finissent par reculer face aux attaquants venant de l'île, emmenant avec eux le petit nombre qu'ils ont pu sauver.


Un regard fixe, un mutisme absolu, les gardes ne peuvent que constater que les otages sont ensorcellés. Que faire d'eux? Ce n'est pas possible de poursuivre l'attaque sans savoir comment annuler le sortilège, alors les bateaux du Conseil tournent les voiles et s'éloignent le plus vite possible de l'île des Elfes. Echappant aux gardes qui le retenait, un des rescapés plonge à la mer, retournant vers l'île. Les autres sont donc enfermés dans les cabines, attachés pour les ramener à leur île d'origine. Soudain, le vent tombe, la mer se lisse. Les bateaux ralentissent et s'arrêtent. Calaelen, la maîtresse des vents, leur a ordonné de se taire. Heureusement, l'île est trop loin pour que les otages puisse les attaquer à la nage ou dans les petites barques des Elfes avant plusieurs heures. Le Capitaine rassure ses hommes: " Calaelen ne peut interdire au Vent de souffler éternellement. Il suffit d'attendre qu'elle se fatigue. Gardez un oeil sur l'océan et soyez prêt à riposter à toute attaque. Nous utiliserons les filets lestés pour retenir les attaquants sans les blesser!"


Sur l'île, les Elfes font la même constatation. Daradan conseille: " Dame Calaelen, ne vous fatiguez pas à les empêcher de partir. Laissons-les rentrer avec les quelques otages qu'ils nous ont repris. Ils comprendront vite leur erreur. Mettons à profit le temps avant leur prochaine attaque pour améliorer notre système de défense." Sur la mer, le vent se remet à souffler et les bateaux du Conseil peuvent filer rejoindre Algos, l'île principale. Cette première tentative est un échec.

Un echec complet. Les élèves ramenés ne peuvent être dés-ensorcelés et ils doivent être enfermés en permanence. Certains se suicident sous l'ordre de leur maîtres Elfes, les autres restent inerte, comme des poupées et se laissent dépérir. Le Conseil est accablé: même s'ils arrivent à récupérer des otages, leurs esprits restent prisonniers. Les discussions vont bon train au Conseil:
"Il faut contraindre les Elfes à défaire le sort qu'ils ont jetés!"
"Mais Calaelen a modifié les vents et les courants autour de l'île, les bateaux lourds ne peuvent approcher!"
" Ils resteront à la limite du pouvoir de Calaelen, et nous attaquerons par petits groupes avec des embarcation à rames ou tractées par les dauphins. Avec des filets lestés, nous pourrons immobiliser les otages s'ils nous attaquent."
" Il faut réussir à prendre pied sur l'île à tout prix. Capturons des Elfes pour négocier la libérations des élèves."
"Mais ils peuvent ordonner aux otages de se tuer!"
"Il suffit d'un seul Ancien Elfe capturé, et on pourra négocier à force égal. Calaelen cédera plutôt que de voir un seul des siens mourir."

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Métal qui luit sur l'eau
Noire

Cheveux blancs, peau blanche, signes noirs. Les Elfes ont utilisés toutes les ressources des Arts anciens de la magie pour tracer d'étranges signes sur la peau de leurs élèves prisonniers. Tout comme la marque d'Ossée fait apparaître le corps de sirène, les marques noires font apparaître des armures étincelantes sur le corps des otages, de grandes ailes blanches aux plumes de mithril s'ouvrent dans leur dos et des lames elfiques gravées de runes apparaissent dans leurs mains. Les otages sont devenus une armée volante, les Guerriers de mithril.

Daradan admire Yuuki et Deidre dans leurs armures blanche. Il a soigneusement veillé à ce qu'elles soient les plus belles et les plus puissantes. Il leur dit: " Volez." Et les deux femmes déploient leurs ailes pour s'envoler dans le ciel. Derrière elles, tous l'escadron des Guerriers de Mithril se déploie et s'élance au-dessus de la mer.

Les bateaux du Conseil, lourdement chargés, stationnent déjà aux limites du périmètre où agit le pouvoir de Calaelen. Les gardes armés de filet plombés descendent à l'eau par petit groupes entourant chacun une petite barque pleine de filets plombés. Soudain, les guetteurs sur les mats se mettent à crier, pointant le ciel. Et l'Escadron de Mithril s'abat sur eux. A la différence de la première attaque, les otages sont cette fois de véritables menaces pour les gardes. Les lames elfiques tranchent sans effort, le fer des épées et des harpons se brise sur les armures, les guerriers ailées attaquent en piqué et s'enfuient dans le ciel tour à tour, harcelant les gardes et les bateaux sans leur donner la possibilité de répliquer. Le plus terrible de tous est Yuuki. Guerrière entrainées du temps où elle arpentait les ports, les lames de ses mains font des ravages chez les gardes du Conseil. Pour échapper aux Oiseaux, les guerriers des îles plongent plus profond et tentent de s'approcher de l'île Ancienne malgré tout. Mais un autre escadron de guerriers de Mithril les attend sous les flots, eux aussi armés de lames elfiques, leurs queues de sirènes recouvertes d'écailles de mithril. Bientôt, le sang se dilue dans l'eau marine. Les guerriers de mithril ne connaissent pas la peur, ni l'hésitation, ils se battent sans s'arrêter, jusqu'à l'épuisement ou la mort. C'est sans issue.

Le bateau du Conseil lance le signal de la retraite, récupérant ses troupes décimées et retournant vers Algos tristement. L'océan est jonché de cadavres de gardes, mais aussi d'élèves. Les gardes se sont battus pour leurs vies. Les guerriers de mithril reviennent docilement à leurs maîtres Elfes, les mains rouges de sang. Dans leur coeur, l'horreur de la bataille a imprimé une marque profonde. Certains yeux ont perdus toute vie, l'esprit est parti, seul reste le corps. D'autres ont sombré dans la folie ou dans le désespoir. Dans certains regards, la flamme de la colère maintient l'esprit éveillé. Dans les yeux de Yuuki continue à briller le soleil. S'accrochant au lien qui la lie à Pyronée, Yuuki résiste à la folie et au désespoir. Elle attend son heure. Elle attend l'espoir.

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Métal qui luit sur l'eau
Noire


Entre les Anciens Elfes et le reste du peuple d'Ossée, la rupture est définitive. Les Anciens ont été trop loin et leurs exploits passés ne peuvent suffire à racheter le mal présent. Ils ont perdus leur prestige et l'estime de la population. Le peuple d'Ossée ne leur pardonnera pas. C'est la guerre. Pourtant, même largement en surnombre, les armées du Conseil ne peuvent pas attaquer directement l'île. Les escadrons de Mithril patrouillent en permanence autour et les courants rendent toute manoeuvre difficile pour les bateaux. Si seulement ils pouvaient attaquer directement les Anciens Elfes.... Il y a eut plusieurs tentatives pour contourner les escadrons, plusieurs batailles, autant d'échecs.

Malgré l'embargo total, les Anciens Elfes ne craignent pas de manquer de moyen de subsistance, car leur île est assez riche pour subvenir à leur besoin et à ceux de leur armée d'esclaves. Mais ils n'ont pas beaucoup plus. Le bois est abondant dans les forêts, mais le minerai est absent, les roches précieuses n'entrent plus dans le ports. Les tissus vaporeux sont toujours tissés des mains des Dames Elfes, mais le fil d'algues et de fibres se fait rare. Il n'est produit que dans les grands fond près de l'île principale. Peu à peu, les maisons et les chemins se dégradent et s'abîment. Les Elfes n'ont plus le loisir d'en prendre soin et de les embellir. Ils doivent se défendre, ils doivent produire par eux-même tout ce qui venait autrefois des autres îles. Le temps joyeux des Arts et des Contes a diminué, la musique ne résonne aussi souvent plus entre les grands arbres. Les élèves de Daradan ne dansent plus non plus. Elles patrouillent dans les airs, ce sont les plus puissantes des guerriers de Mithril. C'est dans le combat qu'elles sont le plus utiles, maintenant.

Vent, la maitresse des tempêtes

Loin des îles, en pleine mer, Pyronée se tient debout sur la mer. Sous ses pieds, la grande Orque qu'elle a dompté avance doucement entre les courants. Elle est une Orqualide, la maîtresse d'e l'Orque. Derrière elle, les autres Orqualides et leurs montures s'entraînent. Le coffret étanche que tient Pyronée dans ses mains contient tout leurs espoirs. Bientôt, ils seront prêt. Levant ses yeux vers la Lune, Pyronée exhorte Yuuki: "Tiens bon, Yuuki. Nous arrivons."

Belle histoire, belle histoire,
Le Vent qui perturbe l'eau
Noire

C'est une nuit sans lune et sans vent, où la mer dort comme une flaque d'encre noire. Silencieusement, de grandes orques glissent avec aisance dans la baie des l'île des Elfes. Leurs nageoires puissantes ne craignent pas les courants contraires qui entourent l'île. Les escadrons de Mithril ne prêtent pas attention aux grands monstres marins. Ils ont le droit d'aller et venir librement dans les flots. Cachés par les grandes Orques, des silhouettes vêtues de noires rejoignent les falaises et les plages, prenant une à une pied sur l'île et disparaissant dans l'ombre de la forêt, sans bruit, sans trace. Ils savent quels sont les chemins, les passage. Le coffret leur a livré les secret de l'île. Ils ne se déplacent pas en groupe, pour ne pas attirer l'attention, mais deux par deux, chacun ayant sa cible.

Un jeune demi-elfe aux yeux bleus accompagnée d'une petite hobbit aux cheveux roux se glisse le long du mur d'une maison. La jeune fille montre un grand arbre dont les branche s'approchent d'un balcon: "Tial, tu vas pouvoir passer par là, je fais le guet en bas."
Tial: " D'après le plan, c'est la chambre de Daradan, ici."

Son coeur se serre et Fauve lui prend la main pour le réconforter. Elle sait à quel point il souffre de ce qui arrive à sa soeur, elle est toujours là pour le soutenir. Tial sourit en réponse. Le jeune homme escalade le tronc et bondit sur le balcon, sans un bruit. Traversant les rideaux de voile salis et déchirés, il entre dans la pièce, cherchant des yeux le lit où doit dormir celui qui asservit sa soeur.

Alors qu'il s'approche du grand lit à baldaquin, deux grands yeux bleus se fixent sur lui et Tial recule. Sa soeur, sa soeur Yuuki est là aux cotés de Daradan. Sans bouger, elle regarde son jumeau de ses yeux inertes. Tial reste figé un long moment. Soudain, il se saisit de son poignard et bondit vers Daradan encore endormi. Le bruit du métal résonne dans la pièce et Tial recule d'un bond. Yuuki a protégé son Maître avec son bras sur lequel son armure de Mithril est apparu. Elle a ordre de protéger son maître. Reveillé par le bruit, Daradan se redresse et s'aperçoit de la présence de l'intrus. Un bref instant, il est surpris par ce demi-Elfe qui a le même visage que Yuuki. Mais l'arme qu'il tient dans sa main le ramène à la réalité et Dardan ordonne " Yuuki, tue cet intrus!!"

Elle se lève, déploie ses ailes, son armures et ses armes elfique. Elle ne peut qu'obéir à son maître. Sans reculer, Tial soutient le regard froid de sa soeur. De toute son âme, il l'appelle. Yuuki reste immobile, comme hypnotisée par les yeux de son frère. Daradan ordonne une nouvelle fois:" Yuuki, tue cet intrus!"

Yuuki frémit mais ne bouge pas. Elle résiste, de toute sa volonté. Elle retient son corps de bouger, les étoiles dans les yeux de son frère la soutiennent. Comprenant que le frère permet à la soeur de résister au sort, Daradan prend sa propre épée pour attaquer Tial et briser le lien. La lame Elfique a tôt fait de trancher en deux le simple poignard de Tial, mais Daradan n'est pas un guerrier. Il manie mal l'épée, il ne sait pas se battre au corps à corps. Tial esquive les coups de son adversaire avec souplesse, cherchant des yeux une autre arme dans la salle.

Tial, prend mon épée.. Tial entend la voix de sa soeur résonner dans son corps et il jette un oeil vers la stature immobile de Yuuki. Dans les yeux de sa soeur, la vie a réapparu et elle lutte pour lever ce bras, cette main qui tient son épée de mithril. D'un bond, il est prêt d'elle et sa main vient se superposer sur celle de sa soeur. D'un seul coup, il fait relever le bras de Yuuki et sa main tenant fermement l'épée. La lame elfique s'enfonce profondément dans le torse de Daradan, emporté par son élan. Le Maître vacille, le sang aux lèvres avant de tomber à genoux et de s'effondrer aux pieds de Yuuki. Comme une corde tendue qui cède, Yuuki se relâche d'un coup serait tombée elle aussi sans son frère pour la retenir: " Yuuki!"

S'aggripant à lui, elle chuchote dans un demi-sanglot: " ça va, Tial.... Je suis enfin libre."
Enfin, elle peut de nouveau diriger son propre corps, l'emprise de Daradan et le sortilège a disparu d'un seul coup. Enfin, elle peut serrer son frère dans ses bras, après une si longue séparation et tant de souffrance.
Yuuki: "Tial... qu'est-ce qui s'est passé? Comment es-tu arrivé ici?"
Tial sourit: " Je ne suis pas le seul, Yuuki. Nous somme tous là. Tous les enfants des ports. Nous sommes là pour vous libérer."

Son visage redevient grave quand il explique: " Nous allons tuer tous les Anciens Elfes. Un par un, dans la nuit, par traitrise. Comme ils vous ont trahi. C'est le seul moyen de libérer les ensorcellés. Le Conseil refusait d'aller aussi loin, mais nous, nous le ferons. A l'heure qu'il est, le sang est déjà en train de couler."

Yuuki regarde le corps de Daradan à ses pieds. Elle l'admirait tant, autrefois. Mais maintenant... Se penchant, elle ramasse l'épée elfique de son maître pour la donner à son frère: "Où est Pyronée?"
Tial sourit: " Elle est aller affronter Calaelen, Avec Dido. Dido est une maitresse des Vent, elle aussi. Elles seule peuvent affronter Calaelen."
Yuuki: "Je vais lui prêter main-forte"

"Moi aussi."
Yuuki et Tial se retournent, surpris. Dans l'encadrement de la porte, Deidre se tient en armure de combat. Elle aussi a été libérée par la mort de Daradan. Autrefois, elle était fière de son sang d'Elfe, elle se sentait semblable aux grands Anciens, elle croyait appartenir à leur monde. Depuis, elle avait eut le temps de comprendre son erreur et de méditer sa vengeance. Yuuki acquiesce en silence. Côte à côte, les deux grandes guerrières de Mithril sortent sur le balcon.

Tial: " Fauve et moi, on s'occupes des Elfes par ici. Allez tuer Calaelen."

Belle histoire, belle histoire,
Le Vent qui perturbe l'eau
Noire

Yuuki et Deidre s'envolent en silence et foncent droit vers le palais. La nuit silencieuse est maintenant percée de cris de joie, de colère et de pleurs. Les uns après les autres libérés, les otages peuvent enfin exprimer tout ce qui étaient dans leur coeur. Ceux qui ont encore le courage de se battre viennent prêter main forte face aux Elfes qui tentent de résister ou de s'échapper.

Un grondement sourd résonne et les deux femmes n'ont que le temps de plonger au sol en rentrant leurs ailes. D'un seul coup, le vent et la tempête se lèvent et déferlent sur l'île. Résistant aux violents courants d'air, Yuuki et Deidre forcent le chemin dans les grands couloirs du palais. Les cadavres des Anciens Elfes jonchent le sol, brûlés et méconnaissables, les murs sont roussis. La puissance du soleil de Pyronée a surpassé celle des étoiles éternelles.

Au centre du palais, il ne reste que Calaelen, ivre de colère et de désespoir. Elle a comprit que tout était perdu quand elle a vu arriver Pyronée et Dido. Elle a sentit que tous les siens sont morts ou presque. Elle n'a plus rien que la rage et la douleur. Concentrant tout son pouvoir, elle tente de ravager l'île et de tuer d'un seul coup tous leurs attaquants par le vent, pour venger les siens. Mais la jeune Elfe blonde contient la puissance du vent et s'oppose directement à sa propre magie. Une Nouvelle maitresse des Vent. La première à apparaître depuis Calaelen. Le signe du renouveau, il est temps aux Anciens de laisser la place. Mais Calaelen s'accroche, environné par ses tourbillons, elle affronte Dido et Pyronée avec toute l'énergie du désespoir.

Arrivé par des couloirs détournés qu'elles connaissent bien, Yuuki et Deidre ont rejoint Pyronée et Dido qui ont uni leurs forces pour résister à celle de Calaelen. Revoir Pyronée réchauffe Yuuki, revoir Yuuki redonne des forces à Pyronée fatiguée. Sans un signe, sans un mot, elles se sont retrouvées. Les magies elfiques sont bloquées l'une contre l'autre, ni Dido, ni Pyronée, ni Calaelen ne peuvent se permettre le moindre mouvement, la moindre distraction. Qu'un seul des cotés flanche et le vent le submergera. Le métal des épées ne pourra pas forcer la barrière de tourbillon qui protège Calaelen des attaques, mais Yuuki et Deirdre, à plat ventre pour minimiser le pouvoir du vent, tentent petit à petit de se rapprocher de la chef des Anciens Elfes. Leurs Armures de Mithril les protège, mais la force du vent est telle qu'elles finissent par s'immobiliser à moins d'un mêtre de Calaelen.

Ecrasée par la puissance du tourbillon, Yuuki sent comme une caresse sur sa main et par réflexe sa main se referme. Elle regarde et voit dans sa main une mèche de cheveux. Une mèche des cheveux de Calaelen. Ses longs cheveux contenant la puissance du vent, les pans de sa longue robe tissée de fil magique, ses colliers de perles s'agitent tout autour d'elle dans le tourbillon et passent à portée de main des deux guerrières à terre. Elles empoignent tout ce qui passe à leur porté, emmêlant les cheveux dans leurs armuurs, nouant les tissus dans leur mains. Deidre et Yuuki n'ont pas besoin de se concerter, elles se sont tellement battues ensemble, que ça soit dans la danse ou sous l'emprise de Daradan, qu'elle se comprennent et se synchronisent instantanément.

D'un seul coup, elles déploient leurs grandes ailes de mithril. Le vent s'engouffre dedans avec violence, au risque de les briser, et les soulève brutalement du sol. Mais elles ne partent pas seules. Entraînée par les cheveux et les vêtements que les deux guerrières tiennent, Calaelen aussi a été entrainée. Sous le choc et la surprise, sa concentration flanche et toute la tempête se retourne contre elle, ainsi que Deidre et Yuuki. Les deux femmes ne replient par leurs ailes pour diminuer l'impact, au contraire, elles offrent le maximum de surface à la surface du vent. La puissance de la tempête emporte comme des brindilles les trois femmes attachées ensemble, loin dans le ciel, sous les cris de Dido et Pyronée.

Belle histoire, belle histoire,
Le Vent qui perturbe l'eau
Noire

La tempête les ballote dans une obscurité absolue, le vent et la pluie les malmènent, mais Yuuki et Deirdre tiennent bon. Où est la mer, où est le ciel? Elles ne le savent plus. Mais peu importe. La violence de l'ouragan tire et compresse leur corps de toutes part, mais leurs armures de mithril les protègent. Elles tiendront bon et ne lâcheront pas Calaelen. Soudain, la tension qu'elles sentaient dans leurs mains cède et les trois femmes partent de tout coté, séparées. Le sang macule les mèches de cheveux et les voiles que tenaient Deidre et Yuuki et les gouttes rouges se mèlent à la pluie battante. Comme un pantin désarticulé, le corps de Calaelen s'enfonce dans l'obscurité et disparait. Portées par leurs ailes, accrochées l'une à l'autre, Deidre et Yuuki se laissent porter sans résister. Sans prévenir, le vent les fait jaillir au-dessus de la couche de nuage, les sortant de la tempête.

Planant au-dessus de la tempête qui s'apaise, Yuuki et Deidre reprennent leur souffle et regardent au loin les couleurs de l'aube éclaircir le ciel. C'est un moment de silence et de paix, qu'elles savourent autant que leur victoire. Elles se sentent libres. Regardant l'horizon, Deidre murmure: " Le mur des tempêtes a disparu."

Yuuki regarde elle aussi dans cette direction. Soudain, sa main se crispe sur le bras de Deidre et elle désigne du doigt une ombre lointaine, à peine perceptible dans la pâle lueur de l'ombre. Le souffle coupé, les deux femmes regardent cette terre, de l'autre coté du mur des tempêtes.

La pression et le vent retombent, les deux femmes redescendent et rejoignent l'île qui résonne des cris de victoire. Fatiguée mais heureuse, Yuuki se laisse tomber directement dans les bras de Pyronée et elle ferme les yeux.

Belle histoire, belle histoire,
Le Vent qui perturbe l'eau
Noire

Astre, le renouveau

Sans attendre, Pyronée a pris la situation en main et les enfants des ports s'organisent. On soigne les blessés, on réconforte les otages libérés, on fouille l'île pour vérifier que tous les Elfes Anciens sont morts. Les orqualides sont reparties vers l'île principale à grande vitesse. Non pas pour prévenir le Conseil, mais pour faire charger des bateaux avec tous les Enfants sans Noms, les clandestins et tout un tas de volontaire. Toutes voiles dehors, ils reviennent à l'île des Anciens Elfes avec leur cargaison de nouveau habitant.

La solide organisation des Enfants des ports se transpose rapidement sur l'île entière. Il faut faire vite, avant que les bateaux du conseil n'arrivent. Dido, proclamée Maitresse des Tempêtes, devient la représentante officielle de l'île re-baptisée Visia en l'honneur du sacrifice de cette femme, qui a renoncé à la vie pour que naisse une nouvelle maiîtresse des tempêtes. De nouveaux registres sont ouverts et les noms des gens présents sur l'île y sont incrits les uns après les autres. Retenant ses larmes, Fauve voit son nom inscrit sur une des pages. Elle n'est plus une Enfant sans nom, elle est maintenant citoyenne officielle de l'île de Visia. Tial lui sourit: " On va pouvoir se marier, maintenant."

Belle histoire, belle histoire,
les astres, l'eau qui n'est plus
Noire

Quand Yuuki ouvre les yeux, après un long sommeil, l'île a déjà changé de visage. Endommagée par la tempête, l'île est maintenant en plein reconstruction. Les grands palais où vivaient quelques Elfes dans de grandes pièces sont en train de se transformer en petits logements serrés. Un ruban blanc délimite la partie de la forêt qui sera préservée, des jardins et des petites cours sont protégés de la construction pour maintenir un cadre de vie agréable. Silencieuse, Yuuki rejoint Pyronée qui étudie le plan d'urbanisation de l'île. Elle s'assoit à coté d'elle et appuie sa tête sur son épaule. Pyronée se tourne vers elle: " Tu t'es enfin réveillée, Yuuki? Tu te sens comment."

Doucement, Yuuki répond: " ça va." avant de se blottir d'avantage contre la peau brûlée de sa compagne. Elle est heureuse d'être de nouveau aux cotés de Pyronée.
" Yuuki.. tu m'as manquée."
" Toi aussi."
" Tu ne me quittera plus jamais, Yuuki?"
" Non, plus jamais."

La nouvelle de la victoire contre les Anciens Elfes et de la reconstruction de l'île a fini par atteindre les hautes oreilles du Conseil, qui vient officiellement reconnaître la nouvelle île et récupérer les otages libérés. D'autres bateaux pleins d'immigrés vont débarquer sur l'île, des routes commerciales vont s'établir. La vie va de nouveau être animée.

De la fenêtre de sa chambre, Yuuki regarde la foule et les travaux, en silence, avec Deidre. Ce qu'elles ont vécu, toutes les deux, les hante. Libérées de leur sortilège, elles restent prisonnière de leurs souvenirs et de leur douleur. Elles n'arrivent plus à danser, elles n'arrivent plus à vivre.

Leurs yeux se tournent vers l'horizon et Yuuki dit: " là-bas, il y avait une terre, n'est-ce pas?"
Deidre confirme d'un signe de tête: " J'ai entendu, il y a longtemps, le maître raconter qu'au-delà de la mer, il y avait une terre plus vaste que toutes les île réunies."

Puis elles se taisent toutes les deux. Evoquer Daradan est difficile. S'aperçevant de la présence de Pyronée à la porte, Deidre se retire et la laisse seule avec Yuuki. Les bras bronzées de la grande Elfes enserrent la blanche Yuuki : "Yuuki, tu as vu de nouvelles terres, là-bas?"
Yuuki fait signe que oui et s'appuie contre sa compagne pour se réchauffer.
" Yuuki, tu sais que même l'île de Visia n'est pas suffisante? Tôt ou tard, le problème de surpopulation se posera à nouveau. Il faudrait une nouvelle terre, bien plus vaste, où on pourrait vivre sans s'entasser les uns sur les autres, sans restreindre les naissances."

Yuuki regarde Pyronée sans comprendre. Regardant l'horizon, Pyronée explique: " L'organisation de l'île est en route, les chantiers marchent bien, la sécurité est assuré, tout va bien se passer, ici. Mais moi, ça ne me suffit pas. Je veux encore aller plus loin. Je veux découvrir de nouvelles terres, je veux explorer le monde, je veux affronter de nouveau défi. Maintenant que le mur des tempêtes est tombés, nous pouvons aller où bon nous semble. Yuuki, je veux aller explorer la terre que tu a vu sur l'horizon. Est-ce que tu veux venir avec moi?"
Yuuki sourit et répond oui.

Belle histoire, belle histoire,
les astres, l'eau qui n'est plus
Noire

Quittant le port de Visia, escorté par des orques, un bateau pour la première fois mets le cap dans la direction de l'inconnu. A son bord, des volontaires prêts à tenter l'aventure, menés par Pyronée. Elle est le soleil qui guidera leur route.

Sur les quais, Tial et Fauve regardent le bateau s'éloigner. Une fois de plus, les jumeaux seront séparés pour longtemps. Mais ils sont adultes, maintenant, chacun ayant à ses cotés une personne aimante et aimée à qui ils se consacrent. Ils font chacun leur route, et seront toujours heureux de se re-croiser. Tial pose sa main sur le ventre de Fauve. Les futures étoiles vont bientôt naître.

Dido, entourée des autres officiels qui vont l'aider à diriger l'île, est déjà repartie, pour que personne ne la voit pleurer. Elle a un rôle important à jouer, ici. Sa soeur lui a transmis la responsabilité de veiller sur les enfants des ports devenus citoyen. Elle ne trahira pas la confiance de son aînée. Elle a aussi une île à rendre habitable et des négociations avec le Conseil en cours. Elle n'aura pas le temps de se laisser aller. C'est l'étoile gardienne de l'île.


Le soleil radieux brille sur la mer. Sur le pont du navire, le vent fait voler doucement les cheveux blancs de Yuuki. Elle lève les bras, elle tend sa jambe, le pied pointé. Dans le bruissement des vagues et du vent, la Lune danse la liberté et l'espoir retrouvé.

Belle histoire, belle histoire,
les astres, l'eau qui n'est plus
Noire

FIN

Oeuvre disponible en auto-publication